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avancé que la seconde, bien inférieure : « La foi », a-t-il dit, « nous apprend que le monde a été créé par la parole de Dieu ». Vous objecterez ici Comment pouvez-vous dire que Dieu d’une parole ait fait toutes choses ? Car la raison ne le découvre pas, et personne n’était présent à ce moment de la création. Qui donc la prouve ? – La foi, oui, la foi, qui seule ici vous donne l’intelligence ; aussi a-t-il dit, que nous le savons par la foi. – Mais par cette expression « la foi », qu’entendons-nous ? Que de l’invisible a jailli le visible. Voilà l’objet de la foi.
Après avoir exprimé cette vérité d’une manière générale, l’apôtre la poursuit dans ses applications particulières ; car un grand homme est comme un petit univers. Saint Paul le donnera lui-même à entendre dans la suite. En effet, quand il aura fait sa preuve par l’exemple de cent ou de deux cents personnages qu’il va faire comparaître devant nous, il s’apercevra que ce nombre de témoins est petit comme quantité, mais il le grandira en ajoutant que du moins « le monde n’en était pas digne ». (Héb. 11,38)
« C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu une plus excellente hostie que Caïn (4) ». Remarquez quel personnage il nomme le premier : c’est aussi le premier qui ait souffert, et qui ait souffert de la main de son frère, lequel pourtant est resté impuni, et n’a encouru que la haine de Dieu. Voilà, pour les Hébreux, l’exemple d’une persécution semblable à la leur, puisqu’ils étaient persécutés par leurs frères : « Et vous aussi », avait-il dit, « vous avez souffert les mêmes indignités de la part même de vos concitoyens ». (1Thes. 2,14) Et il démontre que ceux-ci, nouveaux Caïus, obéissent à l’envie et à la haine. Abel honora Dieu, et mourut même pour l’avoir honoré ; et il n’a pas encore obtenu la résurrection. Abel a signalé son zèle, il a fait tout ce qu’il devait faire ; mais ce que Dieu, en retour, doit faire pour lui, Abel ne l’a pas encore reçu. L’apôtre appelle ici « une plus excellente hostie », une hostie plus honorable, plus glorieuse, plus filiale. Et nous ne pouvons pas prétendre, dit-il, qu’elle n’ait pas été acceptée ; car elle a été reçue, si bien que Dieu disait à Caïn : « Je te refuse, si tu offres bien, mais que tu partages mal » (Gen. 4,7) ; ce qui indique qu’Abel offrit bien et partagea également bien. Et pourtant de justice, quelle récompense a-t-il reçue ? Il fut tué de la main de son frère ; et la condamnation que son père entendit prononcer pour son péché, Abel, qui s’était conduit saintement, la subit le premier, et fut frappé d’autant plus cruellement qu’il le fut ainsi et le premier et par la main d’un frère. Et ces vertus, il les pratiqua sans exemple précédent qu’il pût contempler. Qui, en effet, aurait-il pu considérer pour s’animer à servir Dieu ? Son père ou sa mère ? Mais au lieu de reconnaître les bienfaits divins, ceux-ci avaient déshonoré Dieu. Son frère, peut-être ? Mais celui-ci, à son tour, outrageait le Seigneur. Il ne puisa donc la vertu que dans son propre cœur. Or, étant digne de tant d’honneur, que souffrit-il cependant ? Une mort violente. L’apôtre lui adresse encore une autre louange : « Par sa foi », dit-il, « il reçut le témoignage qu’il était juste ; Dieu lui-même rendant ce témoignage aux offrandes d’Abel ; par cette foi, enfin, il parle encore après sa mort ». Mais quel autre témoignage a-t-il reçu, et qui l’a déclaré juste ? C’est le feu du ciel, qui, dit-on, descendit et consuma ses victimes. Car il est dit de lui : « Dieu regarda favorablement Abel et ses sacrifices » ; et une version ajoute, que Dieu les consuma. Or, quoique ayant rendu par ses paroles et ses miracles ce témoignage à la vertu d’Abel, tout en le voyant périr à cause de sa foi en lui, Dieu ne le vengea pas, et laissa sa mort impunie.
2. Il n’en va pas ainsi de vous, leur dit l’apôtre ; n’avez-vous pas en effet, et les prophètes, et les exemples, et d’innombrables consolations, et des miracles, et des prodiges tant de fois opérés ? Chez Abel, c’était une foi vraie et pure : car quels miracles avait-il vus, pour croire ainsi aux récompenses à venir ? N’est-ce pas la foi seule qui lui fit choisir la vertu ?
Mais qu’est-ce que veut dire ceci : « Par la foi, il parle encore après sa mort ? » Saint Paul craignant de pousser les Hébreux au désespoir, montre qu’Abel a reçu déjà en partie un dédommagement. En quel sens ? C’est, dit-il, qu’on lui garde up grand honneur, une magnifique estime : l’expression, « il parle encore », donne cela à entendre, et signifie que s’il fut ravi au monde, au moins avec lui ne fut point ravie sa gloire, sa renommée. Non, il n’est pas : port, et vous-mêmes ne mourrez point ! Plus auront été cruelles les souffrances d’un saint, plus grande est aussi sa gloire. Comment parle-t-il encore ? C’est qu’une marque éclatante de vie, c’est certainement d’être célébré par tous les hommes, admiré partout, regardé comme bienheureux. En portant les autres à la vertu, il parle éloquemment. Un discours fera toujours moins d’effet que ce martyre. Et de même que le ciel nous parle, rien qu’en se dévoilant, ainsi ce grand saint nous prêche dès qu’il se révèle à notre souvenir. Il aurait prêché, il aurait eu mille voix, il vivrait encore, qu’il serait moins admiré qu’il ne l’est encore de nos jours. De telles vertus ne sont pas impunément frappées ; elles ne peuvent passer inaperçues ni s’oublier avec les âges.
« C’est par la foi qu’Enoch a été enlevé du monde, afin qu’il ne mourût pas ; et on ne l’y a plus vu, parce que Dieu l’a transporté ailleurs et l’Écriture lui rend ce témoignage qu’avant d’avoir été ainsi enlevé, il plaisait à Dieu ; or, il est impossible de plaire à Dieu sans la foi ; car pour s’approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu’il y a un Dieu, et qu’il récompensera ceux qui le cherchent (56) ». L’apôtre révèle ici une foi plus grande que celle d’Abel. Comment ? C’est que, bien qu’Enoch ait vécu après lui, l’exemple de sa mort affreuse suffisait pour détourner Enoch de suivre sa voie. En effet, Dieu avait prédit ce meurtre, quand il disait à Caïn : « Tu as péché, ne vas pas plus loin ! » Et cependant il ne vengea point cet Abel qu’il honorait. Enoch ne fut point découragé par cette triste histoire ; il ne se dit pas à lui-même : Que gagne-t-on à subir les travaux et les dangers ? Abel a honoré Dieu, et n’en a point reçu de secours. Car