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au roi de Salem, abaissant ainsi son pontificat devant lui : combien plus devant Jésus, dont Melchisédech n’est que la figure ?

  • 3 et 4. Part de notre libre arbitre dans nos bonnes œuvres, de l’aveu des saintes Écritures. – Mauvais usage de notre volonté, qui ne s’instruit pas à l’école du malheur d’autrui, et se profane par le péché. – Saint usage de notre liberté par la conversion. – Retour à Dieu qui nous appelle, nous aide, et nous purifiera.


1. Saint Paul voulant montrer la différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament, dissémine, en plusieurs passages, ses instructions à ce sujet, pour y amener par des préludes, par des essais, qui préparent d’avance les esprits de ses auditeurs. Dès le début de son épître, il a jeté comme une base fondamentale cette vérité : que Dieu a parlé aux anciens dans les prophètes, tandis qu’à nous, c’est dans son Fils ; à eux, de plusieurs manières et en divers temps, à nous, parce Fils adorable. Ensuite il a dit quel est ce Fils et quelle est son œuvre ; il a exhorté à lui obéir, pour éviter de partager le malheur des Juifs insoumis ; il a dit que Jésus est prêtre, selon l’ordre de Melchisédech ; il a voulu aborder toutefois la question de cette différence essentielle ; et après maintes préparations prudentes, après des reproches adressés, à leur faiblesse, mêlés à des encouragements et à des consolations capables de leur rendre confiance ; après les avoir mis en état d’écouter avec docilité ses enseignements, il entreprend enfin de leur expliquer la différence entre Jésus-Christ et leur grand prêtre. Car une âme abaissée et découragée ne peut facilement écouter, comme peut vous en convaincre l’Écriture quand elle dit. « Et ils n’écoutèrent pas Moïse à cause de leur abattement ». L’apôtre a donc eu soin de guérir cette maladie de leur âme par ses paroles tantôt terribles, tantôt calmes et charitables ; en sorte qu’il peut maintenant aborder la question de la différence entre les deux rois. Voici donc ce qu’il dit : « Car ce Melchisédech, roi de Salem, prêtre du Dieu très-Haut ». Chose admirable ! dans le-type même qu’il choisit, il montre déjà combien est grande la différence. Car, comme je l’ai dit, il emprunte toujours une figure pour concilier la foi à la vérité ; il se sert du passé pour affirmer le présent, à cause de la faiblesse de ses auditeurs. Donc : « Ce Melchisédech, roi de Salem, et prêtre du Dieu Très-Haut, qui vint au-devant d’Abraham, lorsqu’il revenait de la défaite des rois, et le bénit ; à qui Abraham donna la dîme de tout ce qu’il avait pris ». Après avoir résumé tout le récit du Livre saint, il l’interprète mystiquement. C’est d’abord le nom de Melchisédech qui attire son attention. « Qui s’appelle, selon l’interprétation de son nom, premièrement Roi de Justice ». En effet, « Sédech » veut dire justice et « Melchi » ; roi ; d’où Melchisédech, roi de justice. Voyez-vous, jusque dans les noms, quel choix et quelle exactitude ? Or, quel est le roi de justice, sinon Notre-Seigneur Jésus-Christ ? – Puis : « Roi de Salem », nom de sa cité ; le sens est roi de paix, car telle est la traduction de Salem : encore un trait du Christ. Car c’est lui qui nous à faits justes et qui a pacifié tout ce qui est au ciel et tout ce qui est sur la terre. Quel homme est vraiment roi de justice et de paix ? Aucun, à l’exception du seul Jésus-Christ Notre-Seigneur. – Il ajoute bientôt une autre différence : « Sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement, ni fin de sa vie, étant ainsi l’image du Fils de Dieu, qui demeure prêtre a pour toujours ». Mais ici se présentait un texte qu’on pouvait objecter : « Vous êtes prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech », parce que celui-ci était mort, et n’était pas prêtre pour l’éternité. Voyez donc à quel point de vue élevé se place l’apôtre. On va lui objecter : Comment parler ainsi d’un homme ? Aussi, dit-il, je ne prends pas cette parole au pied de la lettre, mais voici ce que je veux dire : Nous ne savons quel père ni quelle mère eut ce prince ; nous ne le voyons ni naître, ni mourir. – Eh bien ! alors, que conclure, dira-t-on ? De ce que nous ne savons rien, s’ensuit-il qu’il ne soit pas mort, qu’il n’ait pas eu de parents ? – Non, vous avez raison d’affirmer qu’il est mort, qu’il a eu des parents. – Comment donc est-il sans père ni mère ? Comment n’a-t-il ni commencement de ses jours, ni fin de sa vie ? Comment ? En ce sens que l’Écriture n’en dit rien. – Et où va cette remarque ? – A dire que ce prince est sans père, parce qu’on ne donne pas sa généalogie, mais que Jésus-Christ possède ce privilège réellement et en toute vérité.
2. Voici donc un roi qui n’a ni commencement ni fin ; c’est-à-dire, que comme nous ignorons et son commencement et sa fin, parce que ces faits n’ont pas été écrits, ainsi les ignorons-nous de Jésus, non parce que l’Écriture n’en dit rien, mais parce qu’en réalité il n’a ni l’un ni l’autre. Parce que le premier est la figure, l’Écriture se tait sur son commencement et sa fin ; et parce que le second est la vérité, il n’a réellement ni commencement ni fin. Ainsi en est-il de leurs noms ; pour l’un, sa royauté de justice et de paix n’est qu’un pur titre sans réalité ; pour Jésus-Christ, il est tout cela véritablement. Comment donc a-t-il un principe ? Vous voyez que le Fils est sans principe, non dans ce sens qu’il existe sans cause, car c’est impossible : il a un père, autrement comment serait-il Fils ? Mais il est sans principe ἄωαρχος, en ce sens que sa vie n’a ni commencement ni fin. « Melchisédech est semblable au Fils de Dieu ». Où est la ressemblance ? C’est que de l’un comme de l’autre, nous ne savons ni le commencement ni la fin ; de l’un, il est vrai, parce que ces dates n’ont pas été écrites, et de l’autre, au contraire, parce que ces termes n’existent pas : voilà la ressemblance. Que si cette ressemblance portait sur tous les points, vous ne verriez pas d’un côté la figure, et de l’autre la vérité ; tous deux seraient figures. C’est ainsi que dans les portraits et images, vous trouvez et ressemblance et différence. Les traits et le dessin reproduisent la ressemblance ; mais les couleurs une fois posées, la différence s’accuse évidemment, on voit similitude ici, et là, dissemblance.
« Considérez donc combien grand il devait être, puisque Abraham même lui donna la dîme de ce qu’il y avait de meilleur (4) ». Il a fait ressortir