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quoi ! sont-ils tous des usuriers ? sont-ils tous des fripons ? N’est-il point de vrais pauvres ? Sans doute, me répondez-vous, il y en a beaucoup. Pourquoi donc ne leur portez-vous pas secours, vous qui examinez de si près leur conduite ? Autant de prétextes, autant d’excuses. « Donnez à quiconque vous demande, et ne vous détournez pas de celui qui vous veut emprunter. Étendez à votre main, et qu’elle ne soit pas resserrée ». Nous ne sommes pas chargés d’examiner la conduite des pauvres, autrement nous n’aurions pitié de personne. Pourquoi, quand vous priez Dieu, dites-vous : Seigneur ne vous souvenez pas de, mes péchés ? Quand bien môme l’indigent, lui aussi, serait un grand pécheur, appliquez cette parole, et ne vous souvenez pas de ses péchés. Voici le temps de la charité et du pardon, et non pas d’un examen rigoureux et sévère ; de la miséricorde, et non d’un froid raisonnement. Il vous demande sa nourriture : donnez, si vous voulez ; sinon renvoyez-le, mais sans chercher cruellement la cause de sa misère et de son malheur. Pourquoi non contents d’être sans pitié vous-mêmes, détournez-vous encore les autres de la charité ? Que tel ou tel apprenne de vous que ce pauvre est un trompeur, cet autre un hypocrite, un comédien, ce troisième un usurier ; dès lors il ne donne plus ni à ceux-ci, ni à ceux-là ; car il les soupçonne d’être tous pareils. Soyons miséricordieux, non d’une façon telle quelle, mais comme l’est notre Père céleste. Il nourrit les adultères, les débauchés, les charlatans, que dis-je ? ceux mêmes qui réuniraient tous les vices. Il en faut de semblables pour composer ce monde immense ; toutefois il donne à tous et la nourriture, et le vêtement ; personne ne meurt de faim, à moins par hasard qu’il ne meure ainsi de son choix. Soyons aussi miséricordieux, et venons en aide à quiconque est dans le besoin.
Hélas ! de nos jours, nous sommes arrivés à un tel degré d’inhumanité, que, non contents d’appliquer notre blâme à ces pauvres qui courent les rues et les carrefours, nous n’épargnons pas même les moines. Tel ou tel de ceux-ci, dit-on, est un imposteur. Ne disais-je pas tout à l’heure, que si nous sommes résolus à donner à tous indifféremment, nous serons toujours charitables ; mais que, si une fois nous écoutons une coupable curiosité, nous ne serons plus jamais charitables ? Que dites-vous ? Pour recevoir du pain, il joue le rôle d’un imposteur ! S’il demandait des talents d’or et d’argent, des habits précieux et magnifiques, un cortège d’esclaves, vous auriez raison de le qualifier d’escroc. S’il ne demande rien de pareil, au contraire, mais seulement la nourriture et le vêtement, ainsi qu’un philosophe, comment alors, dites-moi, comment, pour si peu, l’appeler trompeur ? Brisons, mes frères, avec cette curiosité absurde, satanique, pernicieuse. Si cet homme se prétend membre du clergé, s’il se donne le titre de prêtre, faites votre examen alors, soyez curieux de savoir le vrai. Ce n’est pas sans danger qu’en cas semblable on se livre à de tels hommes ; il y va de trop précieux intérêts. Mais demande-t-il à manger ? Ne cherchez rien au-delà ; car vous ne donnez pas, vous recevez. Recherchez, si vous voulez, oui, examinez comment Abraham se montrait hospitalier pour tous ceux qui l’approchaient. S’il avait trop curieusement scruté pour savoir à qui il donnait refuge, il n’aurait pas donné l’hospitalité à des anges. Car, peut-être ne croyant pas qu’ils fussent des anges, les eût-il repoussés avec les autres ; mais recevant tout le monde, il accueillit aussi les anges. Est-ce que Dieu vous donne la récompense d’après la conduite de ceux qui reçoivent votre aumône ? Non, mais bien d’après la libre et bonne résolution de votre cœur, d’après votre grande libéralité et générosité, d’après votre bienveillance et bonté. Ayez cela, et vous gagnerez tous les biens. Puisse-t-il nous être donné à tous de les acquérir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel appartient, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XII.


CAR CE MELCHISÉDECH, ROI DE SALEM, PRÊTRE DU DIEU TRÈS-HAUT, QUI VINT AU-DEVANT D’ABRAHAM LORSQUE CELUI-CI REVENAIT DE LA DÉFAITE DES ROIS, QUI LE BÉNIT, A QUI ABRAHAM DONNA LA DÎME DE TOUT CE QU’IL AVAIT PRIS, QUI S’APPELLE, SELON L’INTERPRÉTATION DE SON NOM, PREMIÈREMENT ROI DE JUSTICE, PUIS ROI DE SALEM, C’EST-A-DIRE ROI DE PAIX, QUI EST SANS PÈRE ET SANS MÈRE, SANS GÉNÉALOGIE, QUI N’A NI COMMENCEMENT DE SES JOURS NI FIN DE SA VIE, ÉTANT AINSI L’IMAGE DU FILS DE DIEU, DEMEURE PRÊTRE POUR TOUJOURS. (VII, 1, 2, 3, JUSQU’À 10)

Analyse.

  • 1 et 2. Résumé de l’épître aux Hébreux : comment s’échelonnent les raisonnements de saint Paul. – Melchisédech, parle silence mystérieux de l’Écriture sur sa naissance et sa mort, était la figure de Jésus comme Verbe éternel. – Décimateur d’Abraham qu’il bénit, il est, à ce double titre, plus grand qu’Abraham ; si telle est la figure, quelle sera la vérité ? Lévi même a payé la dîme