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HOMÉLIE VII.


SOYEZ DANS LES MÊMES SENTIMENTS QUE JÉSUS-CHRIST, QUI AYANT LA FORME DE DIEU, N’A PAS CRU QUE CE FUT POUR LUI UNE USURPATION D’ÊTRE ÉGAL ADIEU, MAIS QUI S’EST ANÉANTI LUI-MÊME EN PRENANT LA FORME D’ESCLAVES ETC. (JUSQU’AU VERSET 11)

Analyse.


  • 1. Le Seigneur Jésus ne craignant pas qu’on l’accusât de rapine pour son titre et sa nature d’égal de Dieu, ne craint pas de déposer ce titre, de cacher cette nature. Il s’anéantit par humilité et non par nécessité.
  • 2. Il est fait semblable à l’homme, parce qu’il en prend la nature, – mais non, comme le veut Marcion, par un faux semblant d’incarnation. – Il s’anéantit, mais sans cesser d’être Dieu, comme le voudraient Paul de Samosate et Arius.

3. Son incarnation ne nuit pas à sa nature divine. – Son obéissance humble jusqu’à la mort de la croix n’empêche pas son égalité avec Dieu le Père.

  • 4. Grandeur du nom de Jésus, qui lui a été donné en récompense.
  • 5 et 6. L’humilité nous élève au-dessus de nous-mêmes. L’orgueil nous ravale au-dessous de la brute.



1. Nous avons exposé et réfuté les systèmes hérétiques ; il est temps, maintenant, de développer nos saintes vérités. Ces paroles : « Il n’a pas cru usurper », d’après eux, ne signifient que : « Il n’a pas usurpé ». D’après nous, et nous l’avons fait voir, ce sens est ridicule et absurde, puisque jamais on ne pourrait, dans un sens pareil, trouver dans ce passage une exhortation à l’humilité ; puisqu’on ne pourrait louer ainsi Dieu, ni même un homme vulgaire.
Que devons-nous donc croire ici ? Appliquez-vous, mes frères, à bien suivre notre discours. C’est le préjugé du grand nombre, que s’ils se conduisent avec humilité, ils compromettront leur dignité personnelle, perdront dans l’estime publique, et descendront au-dessous de leur niveau réel. L’apôtre combat cette crainte orgueilleuse, et, pour montrer que tels ne doivent pas être nos sentiments, il monte jusqu’à la divinité même : ce Dieu, Fils unique, qui est dans la forme de Dieu, qui n’a rien de moins que son Père, qui lui est égal, n’a pas regardé, nous dit-il, comme une rapine ni comme une usurpation son égalité avec Dieu. Or, comprenez bien ces dernières paroles.
Un bien que vous auriez ravi ou que vous posséderiez sans aucun droit, vous n’oseriez pas le déposer même un instant ; vous craindriez de le perdre, d’en déchoir ; aussi le gardez-vous continuellement en vos mains. Au contraire, celui qui tient de la nature une dignité quelconque, celui-là ne craint pas de descendre de sa dignité, parce qu’il n’a pas à redouter de la perdre. Un exemple. Absalon avait ravi le pouvoir ; il n’aurait osé l’abdiquer. Autre exemple. Mais ne vous troublez pas si nos comparaisons ne peuvent représenter parfaitement et intégralement leur objet c’est le propre de ce genre d’arguments de laisser à l’esprit plus à deviner qu’ils n’expliquent. Je dis donc : Un usurpateur, révolté contre son prince, lui a ravi le sceptre : ne craignez pas qu’il ose ni déposer le pouvoir, ni dissimuler même cette autorité qu’il a ravie ; dès qu’il la dissimule, il la perd. Au reste cet exemple s’applique à tout bien ravi : le ravisseur toujours veille sur sa proie, et la garde continuellement ; s’il s’en dépouille un instant, il la perdra ; de sorte qu’on peut dire en général, que tout voleur craint de se séparer de l’objet volé, et qu’il garde toujours le bien sur lequel il a mis la main ; tandis qu’une crainte semblable ne se rencontre pas dans ceux qui ne possèdent rien par rapine : ainsi l’homme craint bien peu de perdre sa raison, qui fait sa dignité… J’avoue, toutefois, ne pas trouver d’exemples satisfaisants : nous ne tenons, pauvres humains, aucune royauté de par la nature ; aucun bien même ne nous est naturel, puisque tous et chacun appartiennent essentiellement et en toute propriété à Dieu seul. Que dirons-nous donc ? Que le Fils de Dieu n’a pas appréhendé de descendre de sa dignité, bien sûr qu’il était de la recouvrer ; et qu’il l’a cachée sans croire pour cela s’amoindrir. Aussi l’apôtre n’a-t-il pas dit de Jésus-Christ qu’il « n’a pas usurpé », mais bien qu’il « n’a pas cru