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pour lui ; car la gloire était dans sa nature et rien ne pouvait l’augmenter.
« Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, viennent tous d’un même Père. C’est pourquoi il ne rougit point de les appeler ses frères ». Ici l’apôtre honore et console tous ses auditeurs ; de tous ces hommes il fait les frères du Christ, puisqu’ils ont le même Père que lui. Puis établissant bien et montrant clairement qu’il parle selon la chair, il ajoute : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés ». Voyez quelle distance il y a du Christ à nous, c’est lui qui sanctifie, c’est nous qui sommes sanctifiés. Et plus haut, saint Paul l’appelle l’auteur de notre salut. « Il n’y a qu’un Dieu en effet, de qui, procèdent toutes choses ; c’est pourquoi il ne rougit point de les appeler ses frères ». Voyez comme il fait ressortir ici la supériorité du Christ. Dire « il ne rougit point », cela signifie que ce n’est pas de sa part chose toute naturelle de nous donner un pareil nom, mais que c’est l’effet d’une bonté et d’une humilité extrême. Car, bien que nous ayons tous le même Père, toujours est-il que c’est lui qui sanctifie et Que c’est nous qui sommes sanctifiés. Quelle différence ! Et puis il procède du Père,'comme un Fils véritable et légitime qui participe à son essence ; tandis que nous, c’est en qualité de créatures tirées du néant que nous reconnaissons, Dieu pour Père. La distance entre le Christ et nous, est donc bien grande. Voilà pourquoi il dit : « Il ne rougit pas de les appeler ses frères », en disant : « J’annoncerai votre nom à mes frères ». Car en même temps que notre chair, il a revêtu cette fraternité, suite naturelle de l’incarnation ; c’est là une conséquence toute simple. Mais que veulent dire ces mots : « Je mettrai en lui ma confiance ? » car cette autre expression : « Me voici, et voici les enfants que Dieu m’a donnés », est remplie de justesse. Ici c’est comme Père des hommes qu’il s’offre à nous ; tout à l’heure c’était comme frère. « J’annoncerai », dit-il, « votre nom à mes frères ». Puis vient une nouvelle preuve de sa supériorité et de la différence qu’il y a entre lui et nous.
« Comme donc ses enfants sont d’une nature composée de chair et de sang, il a pris aussi « cette même nature ». La ressemblance, vous le voyez, est tirée de l’incarnation. Que les hérétiques rougissent tous, qu’ils se cachent de honte, ceux qui prétendent que la venue du Christ est une apparence et non une vérité. L’apôtre ne s’est pas en effet borné à dire : « Il s’est fait participant de cette nature », ce qui aurait pourtant suffi ; il a été plus loin et il a dit : « De cette même nature », pour montrer que ce n’est pas là une apparence, une image, mais une fraternité véritable. Autrement, que signifierait le mot « même ? » Puis il nous dit le motif de cette métamorphose providentielle. C’était « afin de détruire par sa mort celui qui était le prince de la mort, c’est-à-dire le démon ». Voilà où est le miracle ! C’est par la mort que le démon a vaincu ; c’est par elle qu’il a été vaincu. Cette arme terrible dont il se servait contre la terre, la mort, a été entre les mains du Christ l’instrument de sa perte, preuve éclatante de la puissance du vainqueur ! Voyez-vous quel bien la mort a fait ?
« Et afin de mettre en liberté ceux que la crainte de la mort tenait en servitude durant toute leur vie ». Pourquoi frémir, dit-il ? Pourquoi redouter cette ennemie détruite à jamais ? Elle n’est plus à craindre. La voilà foulée aux pieds ; ce n’est plus qu’un objet digne de mépris, une chose vile et abjecte, ce n’est plus rien. Mais que veulent dire ces mots : « Ceux que la crainte de la mort tenait en servitude durant toute leur vie ? » cela veut dire que redouter la mort, c’est être esclave et prêt à tout supporter pour ne pas mourir. Cela peut vouloir dire aussi que tous les hommes étaient esclaves de la mort et soumis à l’empire de ce monstre qui n’était pas encore détruit. Cela peut signifier aussi que les hommes vivaient dans des transes continuelles, s’attendant toujours à mourir et redoutant toujours la mort, ne pouvant goûter aucun plaisir, à cause de la terreur qui les assiégeait continuellement. Voilà, en effet, à quoi semblent faire allusion ces mots : « Durant leur vie entière ». Il fait voir ici que les affligés, les bannis, les hommes privés de leur patrie, de leur fortune, et de tous les biens, sont plus heureux et plus libres que ceux qui jadis vivaient dans les délices, que ceux qui n’avaient jamais souffert ; que ceux à qui tout réussissait. Ces hommes d’autrefois, durant leur vie entière, étaient sujets à la crainte de la mort, ils étaient esclaves ; les hommes d’aujourd’hui au contraire sont délivrés de ces terreurs et rient de ce fantôme qui faisait frémir leurs aïeux. Autrefois nous étions des prisonniers qui devaient être conduits à la mort et qui, en attendant le, moment fatal, s’engraissaient dans les délices : voilà ce que la mort faisait de nous.,
Aujourd’hui la mort n’est plus à craindre. Nous sommes des athlètes ; nous avons à lutter contre les délices, et ce n’est plus à la mort, c’est à la royauté que nous marchons. Quel sort est préférable à vos yeux ? Voulez-vous être le prisonnier qui s’en, graisse dans son cachot en attendant chaque jour sa sentence, ou l’athlète qui brave la fatigue et la souffrance, pour ceindre enfin le diadème royal ? Voyez-vous comme il les ranime, comme il relève leur courage ? Il leur montre non seulement la mort dont le règne est passé, mais notre ennemi implacable, et déclare le démon terrassé par la mort ; car l’homme qui ne craint pas la mort est affranchi de la tyrannie du démon. Oui : l’homme qui pour conserver sa vie, donnerait les lambeaux de sa chair et tout au monde, une fois qu’il sera parvenu à mépriser la mort, que craindra-t-il désormais ? Le voilà désormais exempt de crainte, au-dessus de tout, le plus libre de tous les êtres ! Quand on méprise la vie, en effet, on méprise à plus forte raison tout le reste. Une âme de cette trempe est assurée contre toutes les attaques du démon. A quoi bon, je vous le demande, menacer un pareil homme de la ruine, de l’infamie, de l’exil ? Qu’est-ce que tout cela, dit saint Paul, pour celui qui ne tient pas même à la vie ? Voyez-vous comme en nous affranchissant de la crainte de la mort, il a brisé la puissance du démon ? Car l’homme qui pense sérieusement à la résurrection, comment craindrait-il la mort ? Quel danger pourrait le faire frémir ? Ne vous abandonnez donc pas