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empruntée à la situation de l’homme qui hérite, et qui entre dans son héritage. Ces mots « après avoir introduit son premier-né sur la terre », signifient évidemment « après l’avoir mis en possession de la terre ». Car il est entré en possession de cette terre aussitôt qu’il a été reconnu Fils de Dieu. Ce n’est pas du Verbe divin, c’est du Christ selon la chair qu’il parle ainsi, et avec raison. Car s’il était dans le monde, selon la parole de Jean et si le monde a été fait par lui, comment pourrait-il y être introduit autrement que dans la chair ? « Et que tous les anges de Dieu l’adorent ». Paul a quelque chose dé grand et d’élevé à dire ; il prépare donc son discours et dispose « ses auditeurs à l’accueillir, en faisant introduire le Fils par le Père. Voyez plutôt : il a dit plus haut que Dieu nous a parlé par son Fils et non par les prophètes ; il a montré que le Fils est supérieur aux anges, et cela d’abord par le nom qu’il porte, puis par cette circonstance que le Père introduit le Fils.
Autre preuve de cette supériorité : l’adoration. L’adoration fait éclater toute la supériorité du Christ sur l’ange : c’est celle du maître sur le serviteur. Ce que ferait un introducteur en présentant un grand personnage dans la maison d’un roi, et en ordonnant à tous ceux qui s’y trouveraient de se prosterner devant le nouveau venu, Paul le fait ici eu parlant de l’introduction selon la chair du Fils dans le monde et en disant : « Que tous les anges de Dieu l’adorent ». Quoi ! Les anges seuls, et non les autres puissances ! Loin de lui ce langage ! Écoutez ce qui suit. « Et des anges il est dit. Dieu se sert des esprits pour en faire ses anges, et des flammes ardentes pour en faire ses ministres ». Quant au Fils, il lui dit : « Votre trône sera un trône éternel ». Quelle différence entre ces deux sortes de langage ! Les anges sont créés ; le Fils est incréé. Pourquoi dit-il aux anges : Celui qui « fait » des esprits ses anges ; et ne s’est-il pas servi de ce mot, en parlant du Fils ? Il pouvait cependant exprimer la différence qui les sépare, en ces termes. Il est dit des anges : Celui qui « fait » des esprits ses anges ; et du Fils : « Le Seigneur m’a créé », et ailleurs Dieu l’a fait Seigneur même et Christ ». Mais ces mots n’ont jamais été appliqués ni au Christ, Fils de Dieu Notre-Seigneur, ni à Dieu le Verbe ; ils ne l’ont été qu’au Dieu incarné. Quand Paul veut montrer la vraie différence qui existe entre Dieu et ses ministres, sa parole embrasse non seulement les anges, mais toute la hiérarchie des ministres célestes. Voyez-vous avec. quelle netteté il sépare les créatures du créateur, les serviteurs du maître, l’héritier, le Fils légitime des esclaves ? Au Fils il dit : « Votre trône, ô Dieu, est un trône éternel ». Voilà un des emblèmes de la royauté ! La verge de votre royauté est la verge de la justice. Voilà encore un emblème royal ! Puis en parlant de Dieu fait homme : « Vous avez aimé la justice et détesté l’injustice », dit-il, « voilà pourquoi vous êtes l’oint du Seigneur votre Dieu ». Pourquoi ces mots : « Votre Dieu ? » c’est que son langage d’abord si élevé, s’abaisse quand il descend à l’incarnation.
Ici ce sont les juifs, c’est Peul de Samosate, ce sont les ariens, c’est Marcellus, Sabellius et Marcion que Paul attaque à la fois, et voici comment il frappe les juifs, en démontrant que le Christ est Dieu et homme tout ensemble. Quant aux autres ; c’est-à-dire quant aux disciples de Paul de Samosate, il leur montre qu’il s’agit ici de l’éternelle substance et de l’être incréé. À ces mots il a. « fait », il oppose ceux-ci : « Votre trône, ô Dieu, subsiste dans les siècles des siècles ». Aux Ariens il dit que le Christ n’est pas un esclave, et il en serait un, s’il n’était qu’une créature. A Marcellus et aux autres il répond que le Père et le Fils sont deux personnes hypostatiquement distinctes ; aux disciples de Marcion, que l’oint du Seigneur dans le Christ, ce n’est pas le Dieu, c’est l’homme. Puis il dit : « D’une manière plus excellente que vos participants ». Or ces participants, quels sont-ils, sinon les hommes ? Cela veut dire que le Christ a reçu l’Esprit de Dieu sans mesure.
2. Voyez-vous comme il joint toujours, dans son langage, la nature incréée et l’incarnation ? Quoi de plus clair ? Voyez-vous la différence qu’il y a entre « créé » et « engendré ? » Autrement il n’aurait pas séparé ces deux manières d’être. Autrement, en regard de ce mot : « Il a fait », il n’aurait pas placé, pour les opposer à lui, ces paroles : « Quant au Fils, il lui a dit : Votre trône, à vous qui êtes le Dieu de l’univers, sera éternel ». Il n’aurait pas ; pour marquer sa prééminence, appelé le Christ du nom de Fils, si ce n’était pas là une marque de distinction. Où serait en effet la différence, où serait la prééminence, si « être créé » était la même chose qu’être engendré ? Puis voici ce mot « le Dieu », 0 Theos, avec l’article. Puis il dit encore : « Seigneur, vous avez fondé la terre dès le commencement du, monde, et les cieux sont l’ouvrage de vos mains. Ils périront, mais vous demeurerez ; tous vieilliront comme un vêtement, et vous les changerez comme un manteau et ils seront changés, mais vous, vous êtes toujours le même ; et vos années ne finiront pas ». Et pour que ces mots : « Lorsqu’il a introduit son premier-né dans le monde », ne vous fassent pas croire qu’il y a eu un, don accordé au Fils dans la suite des temps ; il a corrigé plus haut cette expression et il la corrige encore d’un seul mot : « Dans le principe », c’est-à-dire, non pas maintenant, mais dès l’origine du monde. C’est encore un coup mortel qu’il porte à Paul de Samosate ainsi qu’à Arius, lorsqu’il applique au Fils les paroles qui s’appliquent au Père.
Il fait entendre en outre, comme en passant, quelque chose de plus grand encore. C’est à la transfiguration du monde qu’il fait allusion, en disant : « Ils vieilliront, comme un manteau, tu les rouleras comme un vêtement, et ils seront changés ». C’est comme dans l’épître aux Romains où il dit qu’il transformera le monde. La facilité avec laquelle cette transformation s’opérera est indiquée par le mot : « Tu rouleras ». Il changera le monde qui sera entre ses mains, comme un vêtement que l’on roule. Si, quand il s’agit de la partie la meilleure et la plus importante de la création, il la transforme avec cette facilité, a-t-il besoin, pour une œuvre moindre, d’une main étrangère ? Jusqu’à quand conserverez-vous ce front d’airain ? N’est-ce pas une grande consolation de savoir que