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un juste motif de la conduite qu’ils doivent tenir. Et quel est ce motif ? C’est que, dit-il, « la grâce de Dieu, salutaire à tous les hommes, a été manifestée ». Comment ceux qui ont Dieu pour docteur ne seraient-ils pas tels que je viens de le dire, après avoir déjà trouvé grâce pour mille fautes ? Car vous le savez : entre autres considérations, il y en a une quia le plus grand poids pour détourner l’âme du mal et la faire rougir d’elle-même, c’est de voir que malgré les mille péchés dont elle doit compte, bien loin d’être punie, elle trouve grâce et obtient mainte faveur. Dites-moi en effet, si quelqu’un après avoir subi mille offenses de la part de son esclave, ne le fait point battre de verges, mais lui accorde son pardon pour tout le passé, lui dit de craindre le châtiment pour l’avenir, lui recommande de prendre garde de retomber dans les mêmes errements, puis le comble de grands biens, y a-t-il quelqu’un selon vous, qui ne change pas de conduite en s’entendant pardonner ainsi ? Ne croyez pas cependant que la grâce s’arrête au pardon des péchés déjà commis ; elle nous prémunit encore pour l’avenir, car c’est là aussi un de ses effets. Si ceux qui font le mal ne devaient jamais être punis, ce ne serait plus là de la grâce, ce serait une manière de nous exciter à courir à notre ruine et à notre perte.
Car « la grâce de Dieu, salutaire à tous les hommes, a été manifestée : nous enseignant que, renonçant à l’impiété et aux passions mondaines, nous vivions dans le présent siècle sobrement, justement et religieusement, en attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ». Voyez-vous comme à côté des récompenses il place la vertu ? De plus c’est bien là l’effet de la grâce de nous arracher aux biens terrestres pour nous conduire au ciel. L’apôtre nous montre ici deux avènements, et il y en a deux en effet, l’un de grâce, l’autre de rétribution ou de justice. – « Renonçant à l’impiété et aux passions mondaines ». C’est là le résumé de toute la vertu. Il ne dit pas : Fuyant l’impiété, mais – « Renonçant à l’impiété ». Le renoncement montre un grand éloignement, une grande haine, une grande aversion. Détournons-nous, dit-il, de la perversité et des passions du siècle avec toute l’ardeur du zèle que nous mettons à nous éloigner des idoles car ce sont aussi des idoles que les passions du siècle, que la cupidité : et c’est ce qu’il appelle de l’idolâtrie. Toutes nos passions pour les biens qui regardent la vie présente sont des passions du siècle, tous nos désirs pour des biens qui périssent dans ce bas monde, sont des désirs mondains. Rejetons-les tous, car le Christ est venu pour que nous renoncions à l’impiété : par impiété il entend les fausses doctrines, par passion du siècle il entend une vie coupable. « Afin que nous vivions dans ce présent siècle sobrement, justement et religieusement ».
2. Voyez-vous ce que je vous dis toujours, c’est que pour être sobre il ne suffit point de s’abstenir de toute fornication, mais qu’il faut encore être pur de tout autre vice ? Ainsi donc celui qui aime l’argent n’est pas sobre. Car de même que l’un aime les plaisirs charnels, de même l’autre aime l’argent, et même celui-ci a moins encore de continence, puisqu’il cède à une moins grande violence. On ne dirait pas d’un cocher qu’il est inhabile, parce qu’il ne saurait pas contenir un cheval impétueux et sans frein, mais parce qu’il ne saurait pas en soumettre un qui serait plein de douceur. Quoi donc, direz-vous, la passion de l’or est-elle moins forte que l’amour des plaisirs charnels ? Cela est évident pour tout le monde, et il y a beaucoup d’arguments à l’appui. D’abord le désir des plaisirs de la chair unit nécessairement en nous, or l’on sait que l’on ne peut se corriger que très difficilement d’une passion que la nécessité nous impose, car elle a son siège dans notre nature même. En second lieu chez les anciens on tenait très peu de compte, de l’argent ; mais on n’avait pas la même indifférence pour les femmes. Si quelqu’un s’approche de sa femme jusque dans la vieillesse, comme le permettent les lois, personne ne l’en blâmera, mais tous reprennent celui qui amasse de l’argent. Parmi les philosophes profanes, beaucoup ont méprisé les richesses sans avoir le même dédain pour les femmes, tellement l’amour qu’elles nous inspirent est tyrannique. Mais puisque nous parlons à l’assemblée des fidèles, n’allons pas chercher nos exemples au-dehors, tirons-les de l’Écriture. Voici ce que dit le bienheureux Paul, en quelque sorte sous forme de précepte impératif : « Ayant la nourriture et le vêtement, que cela nous suffise ». (1Tim. 6,8) Quant aux époux : « Ne vous privez point l’un de l’autre », dit-il, « si ce n’est par un consentement