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continent, retenant fortement la parole de la vérité comme elle lui a été enseignée (8, 9) ». Voyez-vous quelle haute vertu il requiert ? « Non porté à un gain déshonnête », c’est-à-dire montrant un grand mépris pour les richesses. « Hospitalier, aimant les gens de bien, sage, juste, saint » : il fait entendre qu’il doit abandonner tout son bien à ceux qui ont besoin. « Continent » : il n’entend point par là celui qui se livre au jeûne, mais celui qui réprime les désirs coupables de sa langue, de sa main, de ses yeux. Car la continence consiste à ne se laisser entraîner par aucun vice. « Retenant fortement la parole fidèle de la vérité, comme elle lui a été enseignée ». Par « fidèle » il veut dire vrai ou qui nous a été transmis par la foi, qui n’a besoin ni de raisonnements ni de recherches. « Retenant fortement ». C’est – à – dire, prenant d’elle un soin inquiet, faisant d’elle toute son occupation. Mais quoi, s’il n’a aucune culture profane ? C’est pour cela qu’il dit : « La parole comme elle lui a été enseignée. Afin qu’il soit capable d’exhorter et de convaincre les contradicteurs » ; il n’est donc pas besoin de l’éclat des expressions, ce qu’il faut c’est l’intelligence, c’est la connaissance des Écritures, c’est la force des pensées.
Ne voyez-vous pas que saint Paul qui a converti le monde, a eu plus de pouvoir que Platon et que tous les autres ensemble ? Mais c’est par les miracles, direz-vous ? Ce n’est point par les miracles seuls, car si vous parcourez les Actes des apôtres, vous le verrez en beaucoup d’endroits remporter la victoire même avant tout miracle. – « Afin qu’il soit capable d’exhorter par la saine doctrine », c’est-à-dire pour protéger les fidèles et pour renverser les ennemis. – « Et de convaincre les contradicteurs », c’est qu’en effet sans cela il n’y a rien. Car celui qui ne sait pas combattre un adversaire, asservir toute intelligence à l’obéissance de Jésus-Christ, et faire tomber les faux raisonnements ; celui qui ne sait pas enseigner la vraie doctrine, que celui-là s’éloigne du trône apostolique. Les autres qualités requises on les trouvera dans les fidèles, comme d’être irrépréhensible, d’avoir des enfants obéissants, d’être hospitalier, juste, saint : mais ce qui est surtout le propre du docteur, c’est qu’il puisse instruire par sa parole ; cependant c’est ce dont on ne prend aucun souci aujourd’hui.
« Car il yen a plusieurs qui ne veulent point se soumettre, vains discoureurs et séducteurs d’esprits, principalement ceux qui sont de la circoncision (10), auxquels il faut fermer la bouche ». Voyez – vous comme il montre la cause de leur perversité ? C’est qu’ils voudraient commander au lieu d’être commandés, car c’est là ce que l’apôtre a fait entendre. Si donc tu ne peux pas les persuader, ne leur donne pas les saints ordres, mais impose-leur silence dans l’intérêt des autres. De quelle utilité seraient-ils, s’ils n’obéissent pas, que dis-je, s’ils sont insoumis ? Mais pourquoi leur fermer la bouche ? C’est qu’il y va de l’intérêt des autres.
« Et qui renversent les maisons tout entières, enseignant pour un gain déshonnête des choses qu’on ne doit point enseigner (11) ». Si celui qui a reçu mission d’enseigner, n’est pas capable de les combattre et de leur imposer silence lorsqu’ils se conduisent si effrontément, il deviendra lui-même cause de la perdition de tous ceux qui périront. Car si l’on nous exhorte par ces paroles. « Ne cherche pas à devenir juge, si tu ne peux détruire l’injustice » (Sir. 7,6), on pourrait dire ici avec bien plus de raison encore : Ne cherche pas à devenir évêque, si tu n’es pas capable d’une telle dignité ; au contraire, si l’on te forçait à l’être, refuse. Voyez-vous comme partout c’est l’amour de l’argent et le désir d’un gain déshonnête qui est le principe de tous les désordres ? « Ils enseignent pour un gain déshonnête des choses qu’on ne doit point enseigner ».
3. Il n’y a rien que ces vices n’ébranlent, car de même qu’un vent violent, lorsqu’il s’abat sur une mer calme, la trouble jusque dans ses profondeurs, au point que les flots charrient le sable, de même ceux-ci, une fois entrés dans l’âme, la bouleversent de fond en comble, l’aveuglent et lui enlèvent sa clairvoyance. Cela est surtout vrai du fol amour de la gloire. Pour les richesses il est facile à qui le veut de les mépriser, mais dédaigner un honneur qui nous est accordé par un grand nombre d’hommes, voilà qui exige un grand courage, une grande philosophie, une âme angélique et qui s’élève jusqu’au sommet du ciel. Il n’y a pas, non il n’y a pas un seul vice qui ait une puissance aussi tyrannique, et qui règne ainsi partout. Car il règne partout, ici plus, là moins, mais partout cependant. Comment pourrons-nous donc le vaincre, sinon tout à fait, au