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aucun motif charnel, mais tous motifs spirituels. Voici, en effet, ce qu’il dit : Si vous voulez me donner quelque consolation dans mes épreuves, et quelque rafraîchissement en Jésus-Christ ; si vous voulez me témoigner en quelque chose votre charité, et l’union intime, l’union et la communauté d’âme avec moi ; si vous avez des entrailles et quelque sentiment de miséricorde, mettez le comble à ma joie.
« Si vous avez des entrailles de miséricorde ». La miséricorde envers Paul, c’est d’après lui-même la concorde entre ses disciples ; montrant que sans cette concorde parfaite, les dangers sont extrêmes. Si donc, continue-t-il, je dois attendre de vous quelque consolation ; si j’ai droit à quelque preuve touchante de votre affection ; si je puis prétendre à une communauté d’âme avec vous ; si, dans le Seigneur, nous ne faisons qu’un ; si vous me devez quelque miséricorde et quelque compassion, montrez, par votre charité mutuelle, comment vous payez toutes vos dettes ; car j’ai tout retrouvé, si vous vous aimez les uns les autres.
« Comblez ma joie ». Voyez comme, tout en les pressant, il se garde de faire croire que ses chers disciples aient abandonné le devoir. Il ne dit pas : « Faites », il dit : « Comblez ma joie » ; c’est-à-dire, vous avez commencé à semer les bienfaits sur moi ; vous m’avez donné de quoi vivre en paix, mais j’aime à vous voir pousser jusqu’au bout. – Que désirez-vous donc, ô apôtre ? Faut-il vous délivrer de vos chaînes ? Faut-il vous envoyer encore quelque aumône ? – Je ne demande rien de pareil, répond-il : mais seulement que « vous ayez un seul esprit, ayant cette même charité », dans laquelle vous avez débuté ; « n’ayez qu’une âme, qu’une pensée ». Dieu ! comme sa tendresse extrême toujours réclame la même vertu ! Oui, « que vous ayez les mêmes pensées », disait-il d’abord ; mais plutôt, ajoute-t-il, « une seule pensée » ; car les paroles qui suivent vont jusque-là : « Pensant une seule et même chose », c’est son expression, plus forte encore que « pensant la même chose ». « Ayez une seule et même charité », c’est-à-dire, ne l’ayez pas seulement dans la foi, ayez la en tout et toujours. Car nous pourrions avoir entre nous une même pensée, une même croyance et n’avoir pas la charité. « La même » charité, encore : c’est donner et rendre l’amour au même degré. Si vous jouissez, de la part d’autrui, d’une charité vraiment grande, gardez-vous de lui en témoigner une moindre, et par là de vous montrer avare. S’il est des gens de cette trempe, gardez-vous de leur ressembler.
« Soyez unanimes ». Une seule âme, semble-t-il dire, doit animer tous vos corps, non par une fusion de substance, puisque c’est impossible, mais par une communion de volontés et d’idées ; comme si une seule âme commandait tous vos mouvements. Qu’est-ce à dire encore, « unanimes ? » Il l’explique en ajoutant : N’ayez qu’une manière de sentir ; il voudrait que le sens et la pensée de tous ne fussent qu’un, comme produit d’une seule âme.
« Rien par esprit de contention ». Il nous fait cette prière et nous l’explique en ajoutant : Rien par un esprit de contention « et de vaine gloire », lequel, je vous le dis, est la cause de tous les maux ; de là, en effet, combats et discordes ; de là jalousies et luttes acharnées ; de là ce refroidissement de la charité, suite fatale et de notre ambition pour la gloire humaine, et de notre servilisme à l’égard de ceux qui la dispensent : l’homme asservi à cette gloire charnelle, ne sera jamais le vrai serviteur de Dieu. – Mais comment échapper à ce désir de vaine gloire ? Paul, vous n’en avez pas encore indiqué le moyen. Écoutez les paroles qui suivent : « Que chacun, par humilité, croie « les autres supérieurs à soi-même ». Dieu ! quelle maxime de haute sagesse et d’admirable utilité pour le salut vient-il de nous exposer ! Si vous admettez, dit-il, que tout homme, quel qu’il soit, est plus grand que vous ; si vous en êtes persuadés ; ou plutôt, si non contents de le dire, vous en avez la pleine conviction, volontiers vous lui rendez honneur, loin de vous indigner des honneurs qu’on lui rend. Au reste, ne le regardez pas seulement comme plus grand que vous ; voyez en lui « un supérieur », parole qui montre une grande prééminence, et dès lors, le voyant honoré, vous n’éprouverez ni tristesse, ni colère ; s’il vous outrage, vous patienterez généreusement, puisque vous reconnaissez sa grandeur ; s’il vous insulte, vous l’endurerez ; s’il vous maltraite, vous le supporterez en silence. Qu’une bonne fois votre âme soit pénétrée de la conviction qu’il est plus grand que vous : dès lors,