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de lumières pour réfuter l’erreur ; s’il en eût été ainsi, l’apôtre lui aurait recommandé de se rendre capable de confondre l’erreur, comme lorsqu’il lui dit : « Appliquez-vous à la lecture : en faisant ainsi, vous vous sauverez vous-même et ceux qui vous écouteront ». (1Ti. 4,13) Mais il savait qu’il est absolument inutile d’engager ces disputes, qui ne peuvent aboutir qu’à des contestations, à des haines, à des insultes, à des injures. Évitez donc ces disputes. Mais il y en a d’autres, il y en a sur les Écritures et sur d’autres questions. — « Il ne faut pas que le serviteur du Seigneur combatte ». Il ne doit pas combattre même en contestation. Le serviteur de Dieu doit se tenir éloigné de toute sorte de luttes. Dieu est un Dieu de paix. Comment le serviteur du Dieu de paix vivrait-il dans les combats ? — « Mais il faut qu’il soit doux envers tout le monde ». Comment cela s’accorde-t-il avec ce qu’il dit ailleurs : « Reprenez-les avec une entière autorité » (Tit. 2,15) ; et dans la première épître à Timothée : « Que personne parmi les jeunes gens ne vous méprise » (1Ti. 4,12) ; et encore : « Reprenez-les fortement ? » (Tit. 1,15) C’est que, reprendre ainsi, c’est faire œuvre de mansuétude. Rien ne pénètre plus avant qu’une forte réprimande faite avec modération. On peut, sachez-le bien, on peut frapper plus fortement par la douceur que par la dureté. — « Qu’il soit capable d’instruire » tous ceux qui s’adressent à lui pour le consulter. Saint Paul dit aussi à Tite (Tit. 3, 10) qu’il faut éviter celui qui est hérétique, après l’avoir averti une ou deux fois.
Il faut aussi qu’il soit « patient ». Ceci est ajouté fort à propos, car rien n’est plus nécessaire que la patience à celui qui instruit les autres, sans elle tout le reste est inutile. Si les pécheurs qui jettent tout le jour leurs filets sans rien prendre, ne se découragent pas néanmoins, à plus forte raison devons-nous avoir autant de patience qu’eux. Voici en effet ce qui se passe : il arrive très-souvent que par la continuité de l’enseignement, le discours pénétrant jusqu’au fond de l’âme, comme le soc de la charrue en terre, coupe jusqu’à la racine la passion mauvaise qui l’empêchait d’être fertile. À force d’entendre la parole, on en éprouvera nécessairement de l’effet. Il n’est pas possible que la parole évangélique, continuellement entendue, reste sans opérer. Un tel allait peut-être enfin se laisser convaincre au moment où notre découragement est venu tout perdre. La même chose arrive que si un agriculteur ignorant, après avoir planté une vigne, la cultivait une première année, puis une seconde, et encore une troisième, s’attendant toujours à récolter, et, découragé de ne pas trouver de fruit, cessait de la travailler la quatrième année, c’est-à-dire au moment même où sa vigne allait le payer de ses peines.

Saint Paul ne se contente pas encore des qualités qu’il vient d’énumérer, il ajoute : « Il doit instruire avec douceur ceux qui résistent à la vérité ». Pour instruire, la douceur est avant tout nécessaire. Une âme ne profite pas de l’instruction qu’elle reçoit si on la traite avec rudesse. Quelque bonne volonté qu’elle ait, le trouble qu’on lui cause l’empêche de rien retenir. Pour suivre utilement les leçons d’un maître, il faut avant tout être bien disposé en sa faveur. À défaut de cette condition préalable, rien d’utile ni de bon ne se fait. Or, le moyen d’aimer quelqu’un qui vous rudoie, qui vous insulte ? Mais comment cela s’accorde-t-il encore avec le passage déjà cité plus haut : « Quant à l’hérétique, après l’avoir averti une ou deux fois, évitez-le ? » Il veut parler de l’hérétique incorrigible, de celui dont la perversité est incurable. — « Dans l’espérance que Dieu leur donnera un jour l’esprit de pénitence pour la connaissance de la vérité, et qu’ils viendront à résipiscence, se dégageant des filets du diable ». Voici ce qu’il veut dire : Peut-être se convertiront-ils. « Peut-être » marque l’incertitude. Il faut s’éloigner de ceux seulement de qui on peut affirmer qu’ils ne se corrigeront pas, et qui certainement ne reviendront pas de leur égarement. — « Avec douceur ». Vous voyez dans quelle disposition il faut s’approcher de ceux qui veulent s’instruire, et qu’il ne faut pas abandonner les conférences avant la démonstration complète de la vérité. — « Du diable qui les tient captifs pour en faire ce qui lui plaît ». L’expression « les tient captifs » est bien choisie, elle fait songer à des poissons retenus enfermés dans les eaux de l’erreur. Ce passage contient aussi une leçon d’humilité. Il ne dit pas : Peut-être pourront-ils se corriger, mais : Peut-être Dieu leur fera-t-il la grâce de se corriger. S’il s’opère quelque chose, ce sera l’œuvre du Seigneur. Vous planterez, vous arroserez, mais c’est lui qui