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vous la puissance, voyez-vous le don qui vient non par nos œuvres mais par l’Évangile ? C’est là un sujet d’espérance. Ces deux choses se sont vues dans le corps de Jésus-Christ et se verront dans le nôtre. Et de quelle manière ? « Par l’Évangile, pour lequel j’ai été établi prédicateur, apôtre et docteur des nations ». Pourquoi revient-il sans cesse sur cette idée et s’appelle-t-il ainsi le docteur des nations ? Pour faire comprendre, comme je l’ai déjà dit, qu’il fallait aussi annoncer l’Évangile aux gentils. Ne vous laissez pas abattre par mes souffrances, veut dire l’apôtre, la puissance de la mort est anéantie. Je ne souffre pas comme un malfaiteur, mais je souffre pour l’enseignement des nations. Puis il ajoute la raison pour rendre son langage digne de foi. – « C’est aussi pour cette raison que je souffre ces maux : mais je n’en rougis point ; car je sais en qui j’ai mis ma confiance et ma foi, je sais qu’il est assez puissant pour garder mon dépôt jusqu’à ce grand jour ». – Qu’entend-il par « dépôt ? » La foi, la prédication. Celui-là même qui m’a confié ce dépôt, saura le garder intact. Je souffre tout pour que ce trésor ne soit point ravi. Je ne rougis pas de mes maux, il me suffit que ce dépôt soit conservé pur. Peut-être encore par ce dépôt entend-il les fidèles que Dieu lui a confiés ou qu’il a lui-même confiés à Dieu. Maintenant, dit-il, voici que je vous confie au Seigneur. C’est-à-dire, ceci ne me sera pas inutile ; et Timothée me montre le fruit du dépôt. Voyez-vous comme il ne sent même pas ses maux par l’espérance qu’il a de faire des disciples ? tel doit être un bon pasteur ; il doit s’occuper des disciples et les compter pour tout. « Maintenant », dit-il ailleurs, « nous vivons, si vous vous tenez fermes dans le Seigneur » ; et encore : « Quelle est notre espérance, notre joie, notre couronne de gloire ? n’est-ce pas vous devant Notre-Seigneur Jésus-Christ ? » (1Th. 3,8, et 2, 19) Le voyez-vous se préoccuper de ses disciples plus que de lui-même ? Il faut en effet que les pères selon la grâce l’emportent sur les pères selon la nature par un plus ardent amour pour leurs enfants. Mais il convient aussi que leurs enfants aient pour eux de la tendresse. « Obéissez », dit le même apôtre, « et soyez soumis à vos conducteurs, sachant qu’ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte ». (Heb. 13,17)

Dites-moi, voilà le danger terrible auquel votre pasteur est exposé, et vous, vous ne voulez même pas lui obéir, et cela quand il s’agit de votre intérêt. Il ne lui suffit pas, à lui, de mettre ses propres affaires en bon état, tant que les vôtres sont en souffrance, il est dans l’angoisse, et exposé à rendre doublement compte. Songez que ce n’est pas peu de chose pour un pasteur que d’avoir un compte à rendre pour chacune des âmes dont il est chargé, que d’avoir à trembler pour le salut de toutes. Quels honneurs lui rendrez-vous, quels témoignages d’affection pourrez-vous lui donner qui compensent pour lui de tels dangers ? Donnerez-vous pour lui votre vie ; or lui, il donne sa vie pour vous. Et s’il ne la donne pas maintenant en temps opportun, il la perdra plus tard. Et vous, vous lui refusez toute obéissance, même celle qui n’est qu’en paroles. La cause de tous nos maux, c’est que l’autorité des pasteurs est foulée aux pieds. On ne connaît plus ni aucun respect ni aucune crainte. « Obéissez à vos chefs », dit l’apôtre, « et soyez-leur soumis » ; or, maintenant tout est bouleversé et confondu. Je ne dis pas ceci dans l’intérêt de ceux qui vous conduisent. Que leur revient-il en effet des honneurs que vous leur rendez, excepté votre obéissance ? Je le dis dans votre intérêt, mes frères. Les honneurs qu’on leur rend ne leur sont d’aucune utilité pour l’avenir, ils rendront même leur jugement plus sévère. Les injures ne compromettront pas non plus leur avenir, elles serviront au contraire à les justifier. C’est donc votre intérêt que j’ai en vue en toutes choses. Les honneurs que les pasteurs reçoivent de leurs ouailles leur sont même reprochés comme lorsqu’il fut dit à Héli : « Je t’ai tiré de la maison de ton père ». On leur tient compte au contraire des outrages auxquels ils sont en butte ; c’est ainsi que Dieu dit à Samuel : « Ce n’est pas toi qu’ils ont méprisé, c’est moi-même ». (1Ro 2, 28 et 8, 7) En sorte que l’injure leur est un gain, et les honneurs une charge. Ce n’est donc pas, je le répète, dans leur intérêt que je parle, mais bien dans le vôtre. Qui honore le prêtre, honore Dieu. Qui s’accoutume à mépriser le prêtre, s’achemine vers le mépris de Dieu, et il y viendra un jour. « Celui qui vous reçoit me reçoit, dit Notre-Seigneur ». (Mat. 10,40) « Honore ses prêtres », est-il dit encore. Avant d’en venir à mépriser Dieu, les Hébreux commencèrent par mépriser Moïse qu’ils voulaient lapider.