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désirais vous voir » : Voyez-vous quel ardent désir ! quel excès de tendresse ! Voyez-vous aussi l’humilité de l’apôtre, qui s’excuse auprès de son disciple ? Il montre ensuite qu’il n’agit pas sans raison ni au hasard ; il l’a déjà montré, et il le montre encore ici, car il dit : « Me souvenant de vos larmes ». Il est vraisemblable que, séparé de son ami, il pleurait ; il gémissait plus qu’un enfant que l’on sépare de la mamelle de sa nourrice et que l’on sèvre de son lait. – « Afin que je sois comblé de joie ; je désire vous voir ». Je ne me serais donc pas privé moi-même d’un tel plaisir. Quand je serais un être insensible, cruel, une bête féroce, le souvenir de vos larmes m’aurait encore fléchi. Mais je ne suis pas tel, au contraire, je sers Dieu avec une conscience pure. Bien des motifs donc me poussaient vers vous. Et alors il pleurait. Il énonce encore une autre raison qui emporte avec soi la consolation : « En me rappelant », dit-il, « votre foi qui est si sincère ».

2. Il ajoute ensuite un autre éloge, savoir que Timothée ne sort pas du milieu des païens, ni des infidèles, mais d’une famille qui sert depuis longtemps le Seigneur. « Foi » ; dit-il, « qui a été premièrement en Loïde, votre aïeule, et Eunice, votre mère ». Timothée était fils d’une juive fidèle. Comment juive ? comment fidèle ? Elle n’était pas de la race des gentils. Ce fut à cause de son père qui était gentil et à cause des juifs qui étaient en ces lieux, que Paul le prit et qu’il le circoncit. Voyez-vous comme la loi de Moïse commençait à n’être plus observée, puisque ces unions entre juifs et gentils avaient lieu ? Remarquez aussi comme saint Paul prouve surabondamment à son disciple qu’il n’a eu pour lui aucun mépris : Je sers Dieu, j’ai une conscience droite, vos larmes me touchent, etc. Ce n’est pas seulement à cause de vos larmes que je désire vous voir, mais encore à cause de votre foi ; parce que vous êtes un ouvrier de vérité, et qu’il n’y a pas de fraude en vous. Lors donc que vous vous montrez si digne d’être aimé, étant vous-même si aimant, étant un si sincère disciple de Jésus-Christ, lorsque je ne suis pas moi-même du nombre des insensibles, mais du nombre de ceux qui aiment la vérité, qu’est-ce qui m’aurait empêché de vous aller voir ? – « Foi que je suis très-persuadé que vous avez aussi ». Cette foi est chez vous un bien héréditaire, vous la tenez de vos ancêtres et vous la gardez dans toute sa pureté : Les avantages de nos ancêtres sont les nôtres, lorsque nous partageons leurs vertus, si non, ils sont nuls pour nous ou plutôt ils servent à notre condamnation. Voilà pourquoi l’apôtre ajoute ces mots : « J’ai la certitude que cette foi est aussi en vous ». Ce n’est pas de ma part une conjecture, mais j’en ai la persuasion et la certitude. Si donc il n’y a rien d’humain dans votre foi, rien non plus ne pourra l’ébranler.

« C’est pourquoi je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu que vous avez reçue par l’imposition de mes mains ». Ces paroles montrent que celui à qui elles s’adressent est dans un grand abattement et dans une affliction extrême. C’est presque dire : Ne croyez pas que je vous aie méprisé. Sachez bien au contraire que je ne vous ai ni condamné ni oublié. Songez seulement à votre aïeule et à votre mère. Parce que je sais que vous avez une foi sincère, je vous avertis et je vous dis : Vous avez besoin de zèle pour rallumer le feu de la grâce de Dieu. Comme le feu a besoin de bois pour l’alimenter, de même la grâce a besoin de notre zèle pour ne pas s’éteindre. – « Je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu que vous avez reçue par l’imposition de mes mains », c’est-à-dire la grâce du Saint-Esprit que vous avez reçue pour le gouvernement de l’Église, pour les signes miraculeux et pour tout le service de Dieu. Car il dépend de nous d’allumer comme d’éteindre ce feu. Aussi l’apôtre dit-il dans un autre endroit : « N’éteignez pas l’Esprit ». (1Th. 5,19) Il s’éteint par la nonchalance et la lâcheté, et il s’embrase de plus en plus par la vigilance et l’attention. Il est en vous ce feu, mais il vous appartient de le rendre plus vif ; c’est-à-dire alimentez-le avec la confiance, la joie et l’allégresse. Résistez courageusement.

« Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité ; mais un esprit de courage, d’amour et de sagesse ». C’est-à-dire, nous n’avons pas reçu l’Esprit pour vivre contractés par la peur, mais pour parler avec hardiesse. Car il donne à beaucoup l’esprit de la peur, comme il est dit dans les livres des Rois à propos des guerres. « Et l’esprit de terreur », est-il dit « tomba sur eux ». (Exo. 15,16) C’est-à-dire, il leur inspira de la terreur. Mais vous, au contraire, il vous a donné l’esprit de force et d’amour pour lui. C’est donc là un effet de la grâce, mais non de la grâce seule ; il faut que nous commencions