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et du destin. Si vous croyez à la résurrection et au jugement, vous saurez écarter de votre âme toutes ces doctrines. Croyez que Dieu est juste, et vous ne croirez pas à une émanation inique ; croyez à la Providence divine, et vous ne croirez pas à une émanation à laquelle tout est soumis ; croyez aux châtiments divins et au royaume de Dieu, et vous ne croirez pas à une émanation qui nous enlève notre libre arbitre, pour nous soumettre à une nécessité impérieuse. Ne semez point, ne plantez point, ne combattez pas, ne faites rien en un mot ; avec ou sans votre volonté, tout se produira par l’émanation. Que restera-t-il à la prière ? et pourquoi voudriez-vous être chrétien, si l’émanation est vraie ? Car vous ne pourrez plus être accusé d’aucun péché. D’où viennent les sciences ? De l’émanation ? – Oui, nous répond-on ; mais le destin exige que tel homme devienne savant à grand peine. – Eh ! montrez-m’en un seul qui le devienne sans peine. C’est donc le travail et non l’émanation qui fait les savants.
Pourquoi, me dira-t-on, tel misérable coquin est-il riche, pour avoir reçu de son père un héritage, tandis que tel homme se donne mille peines et reste pauvre ? – Car tel est l’objet constant de leurs disputes ; ils ne soulèvent que des questions de richesse et de pauvreté, non de vice et de vertu. Mais plutôt à ce sujet, montrez-moi un homme qui soit devenu méchant, quelque effort qu’il ait fait pour être vertueux, ou vertueux sans nul effort. Si le destin a tant de puissance, qu’il la montre dans les objets les plus grands, la vertu et le vice, et non dans la richesse et la pauvreté. – Pourquoi, dira-t-on encore, celui-ci vit-il dans les maladies et celui-là dans la santé ? Pourquoi celui-ci dans l’estime et celui-là dans l’opprobre ; pourquoi celui-ci réussit-il à son gré dans toutes ses affaires, et celui-là trouve-t-il mille et mille entraves ? – Écartez la doctrine de l’émanation et vous le comprendrez ; croyez à la Providence divine, et vous le verrez clairement. – Je ne le puis, répond mon adversaire, car cette confusion ne me permet point de soupçonner qu’une providence divine soit l’auteur de tout cela. Comment croire qu’un Dieu bon par excellence donne les richesses à l’impudique, au scélérat, à l’homme cupide, et ne les donne pas à l’homme de bien ! Quel moyen de le croire ? Car il faut bien s’en rapporter à ce qui existe. – Soit. Eh bien ! tout cela provient-il d’une émanation juste ou injuste ? – Injuste, me direz-vous. – Et qui en est l’auteur ? Est-ce Dieu ? – Non, me dira-t-on ; elle n’a point d’auteur. – Et comment cette émanation, qui n’est pas émanée, peut-elle opérer tout cela ? Il y a contradiction.
Ainsi Dieu n’y, est pour rien. Examinons pourtant qui a fait le ciel. – L’émanation, me dira-t-on. – Et la terre ? Et la mer ? Et les saisons ? Et puis elle a disposé la nature inanimée dans un ordre parfait, dans une harmonie parfaite, et nous, pour qui tout cela existe, elle nous aurait destinés au désordre ? Comme celui qui, par ses soins prévoyants, disposerait à merveille une maison, mais ne ferait rien pour ceux qui doivent l’habiter. Qui veille à la succession des phénomènes ? Qui a donné à la nature ses lois si régulières ? Qui a réglé le cours du jour et de la nuit ? Tout cela est au-dessus de l’émanation. – Non, me dira mon adversaire ; tout cela s’est fait par hasard. – Et comment un ordre pareil serait-il l’effet du hasard ? – Mais on insiste : D’où vient – que la santé, la richesse, la renommée sont le fruit, tantôt de la cupidité, tantôt d’un héritage, tantôt de la violence ? Et pourquoi Dieu l’a-t-il permis ? – Parce que ce n’est point ici que chacun est rémunéré suivant – ses mérites ; ce sera dans le temps à venir montrez-moi qu’alors il en sera comme en ce monde. – Donnez-moi d’abord, me dira-t-on, les biens d’ici-bas ; je ne cherche pas ceux de l’autre monde. – C’est pour ce motif que ceux-là ne vous sont pas donnés. Car si, lorsque vous êtes privé des plaisirs, vous les aimez au point de les préférer aux biens célestes, que serait-ce, si vous jouissiez d’un plaisir sans mélange ? Dieu vous montre ainsi que ces avantages ne sont pas réels, mais indifférents ; s’ils ne l’étaient pas, il ne les eût point donnés aux méchants. Dites-moi, n’est-il pas indifférent que l’on soit noir ou blond, grand ou petit ? Eh bien ! il en est de même de la richesse. Dites-moi, chacun n’est-il pas équitablement pourvu des biens nécessaires, savoir l’aptitude à la vertu et la répartition des dons spirituels ? Si vous connaissiez les bienfaits de Dieu, jamais, étant équitablement pourvu de ces biens, vous ne seriez indigné de manquer des biens terrestres ; vous n’auriez pas cette avidité, si vous connaissiez les biens auxquels vous êtes admis.