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nous occupe ; dans la précédente, il y avait « Afin que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux qui sont hors de l’Église ». Pourquoi cette différence ? Peut-être n’y avait-il rien d’abord qui pût motiver une pareille observation ; ailleurs aussi, il disait : « C’est un plus grand bonheur de donner que de recevoir ». (Act. 20,35) Quant à cette expression : « Que vous vous conduisiez honnêtement », elle ne se rapporte pas à l’immodestie, à la dissolution des mœurs ; aussi ajoute-t-il : « Et que vous vous mettiez en état de n’avoir besoin de personne ». Mais, dans l’épître qui nous occupe, il parle d’une autre nécessité de faire ce qui est honnête, de faire ce qui est bien auprès de tous ; car en continuant, il leur dit : « Ne vous lassez point de faire ce qui est bien ». Il est de toute nécessité que celui qui ne fait rien, et qui peut travailler, s’occupe de ce qui ne le regarde pas. Or, l’aumône ne se donne qu’à ceux qui ne peuvent pas trouver leur subsistance dans le travail de leurs mains, ou à ceux qui enseignent, et dont tous les instants sont absorbés par l’enseignement : « Vous ne lierez pas », dit l’Écriture, « la bouche du bœuf qui broie le grain dans l’aire » (Deut. 15,4) ; et : « Celui qui travaille ; mérite sa récompense ». (Mt. 11,10) Celui qui travaille, reçoit son salaire ; il est évident que celui-là n’est pas inactif, il travaille, et comme son travail est grand, il en reçoit le salaire. Quant à celui qui ne fait rien, la prière et le jeûne ne lui tiennent pas lieu du travail des mains ; car, par travail, l’apôtre entend le travail des mains. Et pour ôter toute incertitude, il ajoute : « Qui ne travaillent point, et qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas ».
« Or, nous ordonnons à ces personnes, et nous les conjurons, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, de manger leur pain, en travaillant, en silence (12) ». Après les avoir rudement frappés, il prend un ton plus doux : « Par Notre-Seigneur Jésus-Christ » ; c’est le ton de la persuasion, mêlé d’idées terribles « De manger leur pain, en travaillant, en silence ». Pourquoi ne dit-il pas : S’ils n’ont pas de mauvaises mœurs, s’ils ne vivent pas dans la dissolution, nourrissez-les ? Pourquoi cette double exigence, et du silence et du travail ? C’est qu’il veut que ces personnes-là gagnent leur vie par leur propre travail ; c’est là le sens de cette expression : « De manger leur pain », c’est-à-dire ce qu’elles ont gagné par leur propre travail ; non pas le pain d’autrui, non pas le pain mendié.
« Et pour vous, mes frères, ne vous lassez point de faire ce qui est bien (13) ». Voyez tout de suite les entrailles paternelles qui s’émeuvent ; il n’a pas pu pousser plus loin la réprimande ; par un changement de sentiment, il cède à la pitié ; mais voyez avec quelle prudence ; il ne dit pas : Ayez pitié d’eux jusqu’à ce qu’ils se corrigent, mais que dit-il ? « Pour vous, ne vous lassez point de faire ce qui est bien ». Retirez-vous, dit-il, loin des paresseux, et faites-leur des reproches. Cependant ne détournez pas les yeux, s’ils meurent de faim. Mais si, recevant de nous l’abondance, le paresseux demeure dans l’oisiveté, l’apôtre indique, pour le guérir, un remède où il y a de la douceur. Que dit-il donc ? Si, recevant de nous l’abondance, il demeure dans l’oisiveté, eh bien, dit-il, je vous ai indiqué un remède paisible : « Retirez-vous du paresseux » ; c’est-à-dire, ne lui permettez pas la confiance, la liberté de la parole auprès de vous ; montrez que vous êtes en colère. Ce moyen n’est pas à dédaigner. Voilà comment doit s’exercer, entre frères, la réprimande. Si nous avons vraiment le désir de corriger, nous ne pouvons pas dire que nous ignorons l’art de la réprimande. Répondez-moi, je vous en prie ; je suppose que vous avez un frère selon la chair, le laisseriez-vous mourir de faim ? Non assurément, j’imagine. Et de plus vous sauriez le redresser.
« Si quelqu’un n’obéit pas aux paroles de notre lettre (14,) ». Voyez l’humilité de Paul ; il ne dit pas : Celui qui désobéit, c’est à moi qu’il désobéit ; mais il fait entendre doucement cette pensée : « Notez-le », ce qu’il veut, c’est que la désobéissance ne soit pas cachée : « N’ayez point de commerce avec lui » ; ce qui n’est pas un châtiment léger. Il continue « Afin qu’il en ait de la confusion ». Et il ne veut pas que l’on aille plus loin. De même qu’après avoir dit : « Celui qui ne veut point travailler, ne doit point manger », de peur que les paresseux ne mourussent de faim, il a ajouté : « Pour vous, ne vous lassez point de faire ce qui est bien ». De même, après avoir dit : « Retirez-vous », et : « N’ayez point de commerce avec lui » ; de peur que ce malheureux ne fût retranché de la fraternité des enfants de