foule, et les uns leur donnent un morceau de pain, les autres une obole, d’autres encore n’importe quoi, et on les arrête longtemps, et c’est un plaisir, un plaisir pour les hommes, un plaisir pour les femmes. Qu’y a-t-il de plus triste que cela ? N’y a-t-il pas là une féconde matière de gémissements ? C’est peu de chose, on regarde cela comme peu de chose, et voilà, dans nos mœurs, de grands sujets de péchés. Un chant obscène, une musique qui fait plaisir, amollit l’âme et cette mollesse produit la corruption. Et quand je pense que le pauvre, invoquant Dieu, lui demandant, pour vous, dans ses prières des biens innombrables, n’est auprès de vous en nulle estime, et qu’au contraire celui qui substitue aux prières de niais plaisirs, excite votre admiration !
Maintenant, il me vient à l’esprit quelque chose que je veux vous dire. Qu’est-ce ? Quand vous serez tombés dans la pauvreté, dans la maladie, apprenez au moins des mendiants de nos ruelles à bénir le Seigneur. Ils passent toute leur vie à mendier et ils ne blasphèment pas, ils ne s’irritent pas, ils se résignent ; toute leur existence de mendiants, ils se la racontent à eux-mêmes, en y mêlant des actions de grâces ; ils célèbrent la grandeur et la bonté de Dieu ; et toi, qui vis dans la pleine abondance de toutes choses, tant que tu n’as pas tout attiré à toi, tu taxes de cruauté le Seigneur ! Combien le pauvre nous est supérieur, quelle condamnation un jour ne prononcera-t-il pas sur nous ! Pour nous enseigner à tous ce que c’est que le malheur, en même temps, pour nous consoler, Dieu, sur tous les points de l’univers, a envoyé les pauvres. Vous avez souffert un malheur qui vous afflige ? mais il n’y a rien là de comparable au malheur de cet infortuné. Vous êtes borgne ? mais il est aveugle. Vous avez eu à supporter une maladie longue ? mais il a, lui, une maladie incurable. Vous avez perdu vos fils ? mais, lui, il a perdu jusqu’à la santé de son propre corps. Vous avez éprouvé un grand dommage ? mais vous n’avez pas encore été réduit à avoir besoin des autres. Donc, rendez grâces à Dieu ; voyez ces infortunés dans la fournaise de la pauvreté, adressant leurs demandes à tous, et recevant d’un si petit nombre. Donc, lorsque vous êtes fatigué de prier, que vous ne recevez rien, pensez en vous-même combien de fois vous avez entendu un pauvre vous appeler sans que vous l’ayez écouté ; et ce pauvre ne s’est pas mis en colère, et il ne vous a pas outragé. Pour vous, ce que vous faites, c’est par cruauté ; Dieu, au contraire, c’est par bonté qu’il ne vous écoute pas. Eh quoi ! vous n’écoutez pas, par inhumanité, celui qui est votre compagnon d’esclavage, et vous ne trouvez pas juste que l’on vous réprimande ; et, lorsque par bonté le Seigneur ne vous écoute pas, vous, son esclave, vous le réprimandez ? Voyez-vous l’inégalité du jugement ? Voyez-vous l’injustice criante ?
4. Ne nous lassons pas de faire ces réflexions, de considérer ceux qui sont plus bas que nous, ceux qui souffrent de plus grands malheurs, et alors nous bénirons Dieu. La vie est pleine d’exemples de ce genre, et le sage et l’esprit attentif y peut trouver un grand enseignement. Tenez, sans sortir de nos maisons de prière, voilà pourquoi ; et dans les églises, et dans les chapelles élevées aux, martyrs, des pauvres se tiennent sous les vestibules ; leur aspect peut nous être d’une grande utilité ; considérez que, dans les palais de la terre, aucun spectacle pareil ne frappe les visiteurs qui entrent ; de tous côtés vous ne voyez que personnages considérables, des dignitaires magnifiques, des riches superbes, des hommes dont on vante l’esprit ; dans notre palais, à nous, je veux dire l’Église, à l’entrée de nos temples, de nos chapelles de martyrs, ce sont des démoniaques, des manchots, des mutilés, des pauvres, dès vieillards, des aveugles, et ceux qui ont les membres contournés ; pourquoi ? pour que le spectacle qu’ils présentent vous soit un enseignement. Et d’abord vous pourriez rapporter du dehors quelque faste orgueilleux, jetez les yeux sur ces infortunés, déposez votre insolence, prenez un cœur contrit avant d’entrer, avant d’entendre la parole ; (l’orgueilleux n’est pas écouté dans ses prières). À la vue d’un infortuné vieillard, vous cesserez d’être si fier, de vous applaudir de votre jeunesse ; ces vieillards aussi furent des jeunes gens. La profession des armes, un royal pouvoir enflent votre vanité ; réfléchissez que, parmi ces infortunés, il y en a qui furent glorieux dans les palais des rois. Votre santé vous donne de la confiance ; regardez ces malades et réprimez votre vanité. Celui qui fréquente assidûment l’église, tout sain de corps qu’il est, ne s’enorgueillira pas de sa santé ; et celui qui souffre recevra une consolation puissante.