Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ivresse l’appesantisse, c’est dans la sobriété qu’il se maintient, c’est avec attention qu’il s’avance pour faire une telle route ; ceux qui entreprennent cette route, ne se laissent pas distraire par des choses inutiles ; car c’est beaucoup que de pouvoir, même étant bien équipé, la parcourir jusqu’au bout ; nul ne s’y engage d’un pied embarrassé, on s’arrange de manière à être libre dans sa marche.

5. Mais nous qui nous créons mille liens, mille entraves, avec les soucis qui nous tourmentent, nous qui nous chargeons de mille fardeaux, qui faisons des préoccupations de la vie présente des poids si lourds à porter, qui sommes toujours la bouche béante, les yeux grands, ouverts, incapables de nous contenir, comment pouvons-nous espérer d’aller sans accident jusqu’au terme de cette route étroite ? Le Seigneur n’a pas dit seulement : Cette route est étroite ; mais il a fait entendre une exclamation : « Combien la route est étroite ! » (Mt. 7,14) Ce qui veut dire, qu’elle est des plus étroites. C’est ce que nous faisons nous-mêmes toutes les fois que nous sommes saisis d’un grand étonnement. Et le Seigneur dit encore : « Elle est resserrée, la route qui conduit à la vie ». (Id.) Et c’est avec raison que le Seigneur l’appelle étroite, resserrée. Si nous devons rendre compte, et de nos paroles, et de nos pensées, et de nos actions, et de toute notre conduite, réellement la route est étroite. Mais maintenant nous la rendons plus étroite encore par notre manière de nous étendre, de nous dilater, d’écarter les jambes. Car la route étroite est difficile pour tout le monde, mais elle l’est surtout pour l’embonpoint, pour l’obésité ; celui que les mortifications amaigrissent, ne s’aperçoit pas que la route est étroite ; celui qui s’afflige et se comprime de lui-même, ne s’attristera pas des afflictions.

Donc que personne ne s’attende à mériter ; par son indolence, de voir le ciel ; c’est impossible. Que personne n’espère trouver les plaisirs de la vie molle et délicate, en suivant la route resserrée ; c’est impossible. Que personne n’espère, en suivant la route, large et commode, arriver à la vie. Quand vous voyez ces bains splendides, des tables somptueuses, un tel entouré d’une foule de satellites, et vivant dans les délices, ne vous regardez pas comme un dépossédé, parce que vous n’avez pas votre part de ce luxe, mais gémissez sur cet homme qui marche par le chemin de perdition. Car à quoi sert ce chemin qui aboutit à la désolation ? et quel mal nous fait cette route étroite, qui conduit au repos ? Dites-moi, de deux hommes, l’un, appelé au palais du souverain, traverse des ruelles étroites, et marche d’un pas ferme, en côtoyant des précipices ; l’autre, que l’on mène à la mort, est traîné au milieu de la place publique ; quel est celui que nous regarderons comme un homme heureux, quel est celui qui provoquera nos larmes de compassion ? L’homme heureux, ne sera-ce pas celui qui va par la rue étroite ? Appliquons ici ces réflexions, ne célébrons pas le bonheur de ceux qui vivent dans les délices des plaisirs ; les heureux sont les hommes qui ne connaissent pas ces plaisirs ; ceux-ci prennent leur essor vers le ciel ; les autres, du côté de la géhenne. Peut-être un grand nombre de ces malheureux riront de nos paroles ; quant à moi, ce qui cause surtout mes lamentations et mes gémissements, c’est qu’ils ne distinguent pas ce qui doit les faire rire, ce qui doit les plonger dans le deuil ; ils confondent, ils brouillent, ils bouleversent tout. Voilà pourquoi je gémis sur eux.

Que dis-tu, ô homme ? Tu dois ressusciter, tu dois rendre compte de tes actions, tu dois subir le dernier châtiment, et tu n’y penses jamais, tu ne t’occupes que d’exercer ton ventre, que de te plonger dans l’ivresse, et, ce n’est pas tout, tu ris ? Mais moi, je me lamente sur toi, parce que je sais les maux qui t’attendent, la vengeance qui doit sévir contre toi ; et ce qui fait surtout que je me lamente, c’est que tu ris. Afflige-toi avec moi ; lamente-toi avec moi sur tes malheurs. Réponds-moi donc un de tes proches serait mort, et ce coup provoquerait le rire de certaines personnes ; ne les prendrais-tu pas en aversion, ne regarderais-tu pas ces gens-là comme des ennemis ? N’est-il pas vrai que ceux qui versent des larmes, qui s’affligent avec toi, ce sont ceux-là que tu aimes ? Ton épouse est exposée, morte, celui que tu vois rire t’est odieux ; eh bien, c’est ton âme à toi, qui est frappée de mort, et tu te détournes de celui qui pleure ; et tu es le premier à rire ? Voyez-vous comme le démon nous rend des ennemis, des ennemis particuliers de nous-mêmes, acharnés contre nous ?

Revenons donc enfin à la sagesse, ouvrons les yeux, réveillons-nous, emparons-nous de la