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de pareils bourdonnements autour de votre âme, de pareils songes qui occupent ensuite vos nuits ? L’âme naturellement se représente surtout alors ce qui a charmé pendant le jour ses désirs et ses goûts. Donc, quand vous voyez là des choses honteuses, quand vous entendez des discours plus honteux encore, quand vous recevez tant de blessures, quand vous n’y appliquez pas de remèdes, quel moyen que la corruption ne s’étende pas ? Quel moyen que la maladie n’empire pas, et cela bien plus vite que pour les plaies qui affligent nos corps ? Si nous voulions, bien plus facile que la guérison du corps serait celle de notre volonté malade. Car, pour le corps, il faut et des remèdes, et des médecins, et du temps ; pour l’âme, la volonté suffit, et aussitôt elle est bonne ou mauvaise. Car c’est de la volonté qu’est venue la maladie. Quand nous nous plaisons à accumuler sur nous ce qui nous perd, quand nous ne tenons aucun compte de ce qui nous est salutaire, d’où peut nous venir la santé ? Voilà pourquoi Paul disait : « Comme les païens, qui ne connaissent point Dieu ». Soyons donc saisis et de honte et de crainte à voir que les païens, qui ne connaissent point Dieu, pratiquent souvent la chasteté, la continence ; soyons confus d’être pires qu’eux. Il nous est facile de pratiquer la continence, nous n’avons qu’à le vouloir ; nous n’avons qu’à nous détourner de ce qui nous perd ; à vrai dire, il n’est pas facile de fuir l’impureté, si nous ne voulons pas la fuir.

Qu’y a-t-il de plus facile que de se rendre à pied sur la place publique ? mais grâce à notre insigne mollesse, voilà qui est devenu chose difficile, non pour les femmes seulement, mais, à l’heure où je vous parle, même pour les hommes. Qu’y a-t-il de plus facile que de dormir ? Or, voilà ce que nous avons trouvé moyen de rendre encore difficile. Grand nombre de riches se tournent et retournent inutilement toute la nuit, parce qu’ils ne savent pas attendre, pour dormir, qu’ils aient besoin de dormir. Enfin, il n’y a rien de difficile, quand on veut, de même qu’il n’y a rien de facile, quand on ne veut pas ; car tout dépend de nous. Voilà pourquoi l’Écriture dit encore : « Si vous voulez m’écouter », et encore : « Si vous ne voulez pas m’écouter ». (Is, 1,19) Donc, tout se réduit à vouloir, à ne pas vouloir. Voilà ce qui fait que nous sommes châtiés, que nous sommes loués. Puissions-nous être du nombre de ceux qui sont loués, et obtenir les biens que nous annoncent les promesses, par la grâce et par la bonté, etc.

HOMÉLIE VI.


QUANT À CE QUI REGARDE LA CHARITÉ FRATERNELLE, NOUS N’AVONS PAS BESOIN DE VOUS ÉCRIRE SUR CE SUJET, PUISQUE DIEU VOUS À APPRIS LUI-MÊME À VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES ; ET, VRAIMENT, C’EST CE QUE VOUS PRATIQUEZ À L’ÉGARD DE TOUS NOS FRÈRES, QUI SONT DANS TOUTE LA MACÉDOINE. (IV, 9-11)


Analyse.

  1. De la nécessité de la charité. — Contre l’oisiveté. — Celui qui travaille, donne aux autres. — Il vaut mieux donner que recevoir. — Le travail, remède à la pauvreté ; la foi en la résurrection, remède à la tristesse.
  2. Contre le désespoir où se laissent aller, devant la mort ceux qui croient en la résurrection. — Spécialement contre la douleur exagérée des veuves. — Sur les veuves inconsolables convolant à de secondes noces.
  3. La longue vie, dans les premiers temps du monde, était la récompense de la foi des patriarches. — Longue vie d’Abraham et de Sara. — Ne pas irriter Dieu ; il y a de la prudence à l’aimer par-dessus tout. — Explication de la fermeté de Job. — Quand Dieu nous comble de ses bienfaits, ils sont absolument gratuits, nullement mérités par nous.
  4. Devoir des veuves, élever leurs enfants. — Bonheur du ciel ; les coursiers, là haut, sont les nuages. — Gloire des élus.

1. Pourquoi, après des discours si pressants sur la modestie et la sagesse, au moment de leur parler des œuvres à accomplir, au moment de leur prouver qu’il ne faut pas s’affliger du départ de ceux qui nous sont chers, pourquoi ne parle-t-il qu’en passant du principe de tous les biens, de la charité ? « Nous n’avons pas besoin », dit-il, « de vous écrire ». Il y a là une grande preuve d’intelligence et d’habileté dans l’enseignement spirituel. Il fait ici