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nous créer des affaires sans besoin ? Pourquoi faire prendre la cuirasse à des soldats qui pourraient vivre dans le repos et la tranquillité ? À qui lui eût fait entendre de telles paroles, l’apôtre aurait répliqué : C’est surtout quand il n’y a pas de guerre, qu’il faut penser à la guerre. Quiconque, dans la paix, pense à la guerre, sera terrible à l’heure des batailles ; au contraire, celui qui ne sait pas la guerre, s’épouvante, même au sein de la paix. Pourquoi ? Parce qu’il pleure en voyant ce qu’il possède, et il s’attriste de ne pouvoir défendre ses biens en combattant. Car tous les biens des lâches qui ne savent pas se battre, appartiennent aux braves habitués aux combats, et voilà une première raison pour vous armer. Ensuite le temps de la guerre, c’est le temps de notre vie. Comment cela, et de quelle manière ? Le démon nous assiège tant que notre vie dure. Écoutez ce que dit l’apôtre à ce sujet. Il tourne autour de nous, comme un lion rugissant (1Pi. 5,8), pour nous enlever. Les innombrables passions des sens se ruent sur nous, il faut les passer en revue si nous voulons nous soustraire à l’irréflexion qui nous tromperait. Dites-moi, je vous le demande, qui ne combat pas contre nous ? Richesses, beauté, plaisirs, pouvoir, envie, gloire, orgueil insolent. Ce n’est pas seulement notre gloire à nous, qui combat contre nous pour nous ravir l’humilité, c’est aussi la gloire des autres, pour nous inspirer une haine envieuse. Et maintenant tous les maux contraires, pauvreté, ignominie ; mépris, abandon, privation de toute force, ne nous font-ils pas aussi la guerre ? Tous ces ennemis sont en nous ; nous en avons aussi d’extérieurs : les méchancetés, les trahisons, les perfidies, les calomnies, les pièges de toutes sortes ; et tous les malheurs que les démons nous ménagent, les principautés, les puissances, les princes de ce siècle de ténèbres, les esprits de perversité. Nous sommes, les uns dans la joie, les autres dans la douleur. Aberration des deux côtés. — Mais la santé, mais la maladie. — Où trouver ce qui n’est pas une cause de péché ? Voulez-vous que je remonte jusqu’à Adam, pour vous dire tout de suite comment tout s’explique ? Qu’est-ce qui a perdu le premier homme ? Le plaisir, la gourmandise, l’ambition. Et, après lui, son premier fils ? L’envie et la haine. Et les hommes du temps de Noé ? La luxure et tous les maux qu’elle enfante. Et le fils de Noé ? L’oubli de la pudeur, l’effronterie. Et les Sodomites ? L’abomination, la débauche blasée et repue. Et c’est ce qui arrive souvent à la pauvreté même : aussi un sage disait : « Ne me « donnez ni la richesse ni la pauvreté ». (Pro. 30,8) Faisons mieux, n’accusons ni la richesse, ni la pauvreté, mais la volonté incapable de faire un bon usage soit de la pauvreté, soit de la richesse. « Reconnaissez », dit le sage, « que vous marchez parmi les pièges ». (Sir. 9,13)

5. C’est donc avec une admirable sagesse que le bienheureux Paul dit : « C’est à quoi nous sommes destinés ». II ne se contente pas de dire : Nous sommes soumis aux épreuves, mais : « C’est à quoi nous sommes destinés » ; comme s’il disait : C’est pour cela que nous naissons. C’est là notre tâche, c’est là notre vie, et toi, au rebours, tu cherches le repos ? Il n’y a pas près de vous de bourreau qui vous déchire le flanc, qui vous force de sacrifier ; mais la cupidité est là, l’avarice est là qui nous arrache les yeux. Il n’y a pas de soldat pour mettre le feu à notre bûcher, pour nous étendre sur le gril ardent, mais le feu de nos sens est plus brûlant que les flammes des bourreaux. Il n’y a pas de roi pour nous promettre des biens innombrables et forcer notre consentement, mais il y a l’amour insensé de la gloire, plus puissant à nous séduire. Combat terrible, oui, vraiment épouvantable, si nous voulons conserver la sagesse ; la vie présente, elle aussi, a ses couronnes : écoutez Paul qui vous dit : « Il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice que me décernera le juste juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement ». (2Ti. 4,8) Quand vous perdez un enfant chéri, un fils unique, élevé dans l’opulence, qui donnait de belles espérances, qui devait être votre seul héritier, ne pleurez pas, mais bénissez Dieu, glorifiez celui qui a reçu votre enfant, et vous ne le céderez en rien à Abraham. De même qu’il donna son fils à Dieu pour obéir à son ordre, de même, vous, laissez Dieu vous prendre le vôtre, et ne gémissez pas.

Vous êtes tombé dans une maladie grave, et voilà une foule de gens qui veulent vous forcer à recourir à des charmes, à des amulettes, à d’autres moyens encore pour obtenir votre guérison ; mais vous, qui craignez Dieu, vous