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voit. Si l’on pouvait ouvrir la poitrine des hommes, pour lire dans leur âme, je vous montrerais l’âme de l’homme exempt d’envie, plus resplendissante que l’âme du triomphateur. Foulons donc aux pieds les aiguillons de l’envie ; veillons nous-mêmes à nos intérêts, ô mes chers frères, et nous nous couronnerons de nos propres mains.
L’envieux s’attaque à Dieu et non pas à l’homme qui est l’objet de son envie. Car, lorsqu’il voit que celui-ci est en faveur, lorsqu’à cette vue il se chagrine et s’irrite jusqu’à vouloir détruire l’Église, c’est contre Dieu qu’il combat. Dites-moi, en effet, voilà un homme qui est occupé à parer la fille d’un roi, et cette occupation lui vaut l’estime publique. Survient un envieux qui fait des vœux pour que la fille du roi compromette sa réputation, et pour que celui gui s’occupe de rehausser son éclat ne puisse plus travailler pour elle. A qui cet envieux tendra-t-il ses pièges ? Ne sera-ce pas au roi et à sa fille ? Il en est ainsi de vous qui portez envie à votre frère en Jésus-Christ ; c’est contre l’Église, c’est contre Dieu que vous combattez. N’y a-t-il pas, entre la gloire de votre frère et l’intérêt de l’Église, une connexion intime, et la chute de l’un n’entraîne-t-elle pas nécessairement celle de l’autre ? C’est donc une œuvre de démon que vous faites, puisque c’est au corps même du Christ que vous vous attaquez. Votre dépit et votre ressentiment s’allument contre un homme qui ne vous a rien fait, et contre le Christ en particulier. Qu’est-ce qu’il vous a donc fait, le Christ, pour que sa gloire et celle de sa jeune épouse vous offusque ? Mais voyez donc quel supplice vous vous infligez. Vos ennemis, vous les comblez de joie, et celui-là même dont vous voulez empoisonner les succès, vous le faites rire à vos dépens, puisque votre jalousie fait encore ressortir sa gloire et sa réputation. S’il ne la méritait pas, en effet, vous ne seriez pas jaloux de lui ; vous montrez chaque jour davantage à quel point le dépit vous dévore. J’ai honte de vous exhorter à ce sujet ; mais, puisque nous sommes encore si faibles, après les leçons que nous avons reçues, délivrons-nous donc du fléau de l’envie. Les éloges et l’estime que l’on accorde à votre frère vous aigrissent ! Pourquoi donc ajoutez-vous à sa gloire ? Vous voulez le tourmenter ! Pourquoi donc faire éclater votre dépit ? Pourquoi vous punir vous-même, avant de punir celui à la gloire duquel vous vous opposez ? Il y a là pour lui un double plaisir, un double triomphe, et pour vous un double tourment ; d’abord, vous le faites valoir, et c’est un plaisir bien amer pour vous que vous lui procurez ; puis, cette envie, qui fait votre tourment, fait sa joie.
Voyez quel mal nous nous faisons à nous-mêmes, sans le savoir. Cet homme est notre ennemi, mais pourquoi ? Quel mal nous a-t-il fait ? Ne faut-il pas songer après tout que par notre jalousie nous lui donnons plus de lustre et que nous nous punissons nous-mêmes ? Ce qui est encore un supplice pour nous, c’est de croire qu’il s’est aperçu de nos sentiments. Peut-être notre jalousie n’entre-t-elle pour rien dans la joie qu’il éprouve ; mais nous croyons qu’elle y est pour quelque chose, et nous en gémissons. Bannissez donc l’envie, car à quoi, bon ces blessures que vous vous faites à vous-même ? Songeons, ô mes chers frères, à cette double couronne qui attend l’homme exempt d’envie. Éloges de la part des hommes, éloges dé la part de Dieu, voilà ce qui lui est réservé. Réfléchissons aussi à tous les maux dont l’envie est la mère. C’est ainsi que nous parviendrons à étouffer ce monstre, à obtenir les éloges de notre Dieu, à obtenir l’estime des hommes, comme les autres. Si nous ne parvenons pas à nous faire une réputation, c’est que cette réputation ne serait pas pour nous un avantage. Mais, après tout, si notre vie a été employée pour la gloire de Dieu, il nous sera permis d’obtenir les biens promis à ceux qui l’aiment, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur et puissance, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.