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et à tout ce qui le retient. C’est comme s’il disait : Si je vous envoie des messagers, moi qui voudrais tant vous voir, c’est que de puissants obstacles me retiennent loin de vous ; autrement, je n’aurais pas tardé un seul instant à venir moi-même. C’est ainsi qu’il prévient tout reproche. Apprendre aux Colossiens les épreuves qu’il subissait et le courage avec lequel il les supportait, c’était prouver qu’il méritait leur confiance, et c’était en même temps les encourager.
« J’envoie aussi Onésime, mon cher et fidèle frère ». Paul donne à un esclave le nom de frère, et avec raison, puisqu’il s’appelle lui-même l’esclave des fidèles. Rabaissons tous notre orgueil, foulons aux pieds l’arrogance. Il se donne le nom d’esclave, ce Paul qui est aussi grand que l’univers, et dont l’âme est toute céleste, et vous, vous êtes plein de hauteur ! Lui qui remuait un monde, qui tenait dans le ciel le premier rang, qui a mérité une couronne, qui est monté au troisième ciel, il donne à des esclaves le nom de frères, il les appelle ses compagnons de chaînes. Que dire de votre folie ? Que dire de votre arrogance ? Il fallait qu’Onésime fût bien digne de foi, pour que Paul le chargeât de son message ; aussi bien que Marc, « cousin de Barnabé, au sujet duquel on vous a écrit. S’il vient chez vous, recevez-le bien ». Peut-être avaient-ils reçu de Barnabé quelque mandat. « Ils sont du nombre des fidèles circoncis ». Il rabat ici l’orgueil des juifs et relève les esprits de ses auditeurs ; car il s’était fait moins de conversions chez les juifs que chez les gentils. « Et qui ont été ma consolation » ; ce qui montre que Paul avait été en proie à de cruelles épreuves. Quand on console une âme pieuse par sa présence et par ses entretiens assidus, c’est beaucoup de partager son affliction. Avec les prisonniers, pleurons comme si nous étions prisonniers. (Héb. 13,3) Si nous nous intéressons à leurs souffrances, nous partagerons leurs couronnes. Vous n’êtes pas descendu vous-même dans la lice, c’est un autre qui entre dans l’arène, c’est un autre qui lutte. Mais si vous voulez, vous pouvez partager sa couronne. Frottez d’huile cet athlète qui va combattre, soyez son ami, encouragez-le de la voix. Voilà ce qu’on peut toujours faire. C’était dans le seul but d’encourager ses auditeurs, que Paul leur parlait.
Et vous aussi, en toute circonstance, fermez la bouche aux médisants, entourez l’athlète de sympathies, accueillez-le avec empressement quand il sort de la lice ; c’est ainsi que vous partagerez ses couronnes et sa gloire. Sans avoir combattu vous – même, par cela seul que vous avez applaudi à ses travaux, vous vous y êtes associé en grande partie, car vous l’avez soutenu de vos sympathies ; et le plus grand de tous les avantages, c’est de se sentir soutenu. En effet, si ceux qui pleurent avec nous semblent partager notre chagrin et contribuent à l’adoucir, à plus forte raison ceux qui se réjouissent de notre succès augmentent le plaisir qu’il nous cause. C’est un grand malheur de ne trouver personne qui compatisse à nos souffrances. Écoutez cette parole du Prophète : « J’attendais quelqu’un qui s’attristât avec moi, et je n’ai trouvé personne ». (Ps. 68,21) C’est pour cela que Paul ici nous dit « de nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, et de pleurer avec ceux qui pleurent ». (Rom. 12,18) Ajoutez à la joie de vos frères. Voyez-vous votre frère jouir de l’estime publique ? ne dites pas : S’il est estimé, tant mieux pour lui ! Pourquoi m’en réjouirais-je moi ? Ce n’est pas là le langage d’un frère, c’est le langage d’un ennemi. Si vous voulez, les avantages que possède votre frère, deviendront les vôtres ; vous n’avez qu’à ajouter à cette bonne renommée de votre frère ; au lieu de vous en affliger, vous n’avez qu’à y applaudir : C’est là une vérité évidemment prouvée parce qui suit. Les envieux, en effet, portent envie tout à la fois à ceux qui jouissent de l’estime publique et à leurs amis qui sont heureux de les voir estimés. Ils savent que ces amis sont estimés eux-mêmes à cause de cette généreuse sympathie, et que ce sont eux qui se glorifient le plus de la gloire de leurs amis. Ceux-ci, en effet, rougissent des pompeux éloges qu’on leur donne, tandis que ceux-là en sont tout heureux et tout fiers.
Voyez les athlètes ! A l’un la couronne, à l’autre la défaite. Quant à la douleur et à la joie, elle est pour leurs partisans et pour leurs ennemis qui bondissent et qui trépignent. Voyez comme il est beau de ne pas être jaloux ! La fatigue est pour un autre, et le plaisir est pour vous. Un autre a la couronne, mais c’est vous qui bondissez, qui trépignez de joie. Car, dites-moi, je vous prie, pourquoi ces transports de joie, quand c’est un autre que vous qui remporte la victoire ? Ah ! c’est qu’il y a,