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paix de Dieu est là pour décerner le prix de la lutte, elle couronne l’esprit de pardon et humilie l’esprit de vengeance. Comment cela ? En nous persuadant que Dieu est un Dieu de paix et qu’il a fait la paix avec nous. Ce n’est pas sans raison qu’il nous montre cette lutte entre l’esprit de pardon et l’esprit de vengeance, lutte dont notre cœur est le théâtre. Non, ce n’est pas la colère, ce n’est pas la discorde, ce n’est pas la paix humaine qui doit ici décerner le prix. La paix humaine est une paix vindicative et intolérante. Ce n’est point cette paix qu’il nous faut, dit l’apôtre, c’est la paix que le Christ nous a laissée. Il a tracé dans notre âme une arène où deux idées se combattent, et c’est la paix du Christ qui est chargée de décerner la palme. Puis vient cette exhortation : « A laquelle vous avez été appelés ». – « À laquelle », c’est-à-dire, « pour laquelle ». Il nous rappelle ainsi tous les biens dont la paix est la source. C’est pour elle qu’il vous a appelés, c’est à cause d’elle qu’il vous a appelés, afin que vous obteniez le prix dû à votre foi. Car pourquoi n’a-t-il fait de nous qu’un seul corps ? N’est-ce pas pour faire régner la paix ? N’est-ce pas pour nous fournir les moyens de vivre en paix tous ensemble ?
Pourquoi ne faisons-nous tous qu’un seul corps ? Qu’est-ce qui fait que nous formons un seul corps ? C’est la paix et réciproquement, c’est parce que nous ne faisons qu’un seul corps que nous sommes en paix les uns avec les autres. Mais pourquoi, au lieu de dire : Que la paix de Dieu triomphe, a-t-il dit : Que la paix règne ou décerne le prix ? C’est pour accréditer la paix, c’est pour ne pas permettre aux mauvaises pensées d’entrer en lutte avec elle, c’est pour qu’elles aient toujours le dessous. En outre, le mot de prix éveille l’auditeur. Car, si le prix est toujours décerné à la bonne pensée, l’effronterie de l’esprit du mal sera désormais inutile. L’esprit du mal sachant que, malgré tous ses efforts, malgré son impétuosité et sa violence, il n’obtiendra pas le prix, finira par renoncer à ses vaines attaques. Il a eu raison d’ajouter : « Et soyez reconnaissants » ; car la reconnaissance et l’honneur consistent à être pour nos compagnons d’esclavage ce que Dieu a été pour nous, à céder, à obéir à notre maître, à toujours rendre grâces à Dieu, soit qu’on nous outrage, soit qu’on nous frappe. Celui qui rend grâces à Dieu de ses souffrances, ne se vengera pas de l’homme qui lui aura fait du mal ; se venger, en effet, ce n’est pas rendre grâces. Ah ! ne soyons pas comme le créancier impitoyable qui réclamait impérieusement ses cent deniers. Ne nous exposons pas à être traité « d’esclave méchant ». (Mt. 18,32) L’ingratitude est le plus affreux de tous les vices, et ceux qui se vengent sont des ingrats.
Mais pourquoi parle-t-il d’abord de la fornication ? Car aussitôt qu’il a dit : « Mortifiez vos membres qui sont sur la terre », il ajoute : « La fornication » ; et c’est presque toujours l’ordre qu’il suit. C’est que la fornication est de tous les vices le plus tyrannique. Il l’a mis aussi en première ligne, dans son épître aux Thessaloniciens. Quoi d’étonnant, puisqu’il dit aussi à Timothée : « Conservez votre pureté » (1Tim. 5,22) ; et ailleurs : « Étudiez-vous à être en paix avec tout le monde, et vivez dans la sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu ». (Héb. 12,14) – « Mortifiez vos membres », dit-il. Ce qui est mort, vous le savez, n’est plus qu’un objet d’horreur, d’abomination, de corruption. Si vous tuez les membres du péché, il ne reste bientôt plus rien de ce cadavre qui se corrompt et s’anéantit. Éteignez les ardeurs du péché, et ce n’est bientôt plus qu’un cadavre dont il ne reste rien. Il montre l’homme faisant ce que fait le Christ dans la piscine. Voilà pourquoi il appelle les péchés des membres, et il nous montre dans un style énergique l’homme fort qui les mortifie. Il a eu raison de dire : « Qui sont sur la terre ». Car c’est là qu’ils sont ; c’est là qu’ils se corrompent et qu’ils meurent bien plus complètement que les membres corporels. Notre corps n’est pas aussi terrestre que le péché ; car le corps humain est parfois revêtu d’un certain éclat ; mais le péché, jamais. Tous ces membres qui restent sur la terre, qui sont comme cloués à la terre, sont le siège des mauvais désirs. Que l’oreille, la main, l’œil ou un membre quelconque reste attaché à la terre, le ciel n’est plus rien pour lui. L’œil ne voit plus que le corps, la beauté physique, la figure, ce qui appartient à la terre ; en un mot, cela seul a du charme pour lui. L’oreille se délecte à de doux concerts, aux accents de la lyre et de la flûte ; elle se prête complaisamment à de honteux propos. Plaisirs terrestres que tout cela !
Quand saint Paul a transporté ses auditeurs auprès du trône de Dieu, il leur dit : « Mortifiez