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une âme tendre et passionnée pour Dieu ; j’y découvre cet amour que demandait Jésus-Christ, une piété fraternelle, un paternel dévouement, quelque chose de supérieur encore. Ainsi doit-on accepter la douleur et verser des larmes. Les pleurs ainsi répandus surabondent de joie ; une tristesse de ce genre est une source d’allégresse.
Et ne me dites pas : Quel avantage produisent donc mes larmes, à ceux pour qui je les répands ? Dussent-elles ne leur point servir, à coup sûr elles nous servent à nous-mêmes. Pleurer ainsi sur les péchés d’autrui, c’est avoir dans l’avenir des pleurs aussi pour ses propres péchés ; oui, celui qui gémit sur les fautes des autres, s’engage à ne pas laisser passer sans de grandes larmes ses vices et ses fautes personnels ; il y a plus, un tel homme sera moins prompt à offenser Dieu. Mais chose déplorable entre toutes ! On nous commande de pleurer les péchés d’autrui, et nous ne donnons pas même signe de repentir pour les nôtres ; au contraire, nous tombons sans aucun regret, et nos péchés sont, de toutes choses au monde, ce qui nous donne le moins de souci, le moins de crainte ! Aussi nous nous livrons à la joie mondaine, inutile, bientôt effacée et grosse de mille chagrins.
Ah ! plutôt, embrassons une tristesse mère de la joie, et renonçons à une joie qu’enfante l’amertume. Cherchons l’affliction qui porte en elle-même la paix, et fuyons les délices qui engendrent misère et douleur. Travaillons pour un temps bien court sur cette terre, pour nous réjouir à jamais dans les cieux. Mortifions-nous pendant une vie fragile, afin de gagner le repos dans une vie sans fin ; ne nous prodiguons pas en vain dans cette existence éphémère, pour n’être pas réduits aux sanglots dans l’éternité. Ne voyez-vous pas que, même pour des nécessités temporelles, bien des hommes ici-bas subissent la douleur ? Supposez que vous êtes de leur nombre, et supportez les peines et les souffrances, en vous nourrissant de l’espérance du bien à venir. Vous n’êtes pas meilleur que Paul, meilleur que Pierre, à qui le repos ne fut jamais accordé, qui ont passé toute leur vie dans la faim, la soif, la nudité. Si vous aspirez au même but, pourquoi vous placer sur un autre chemin ? Si vous voulez parvenir à la cité qu’ils ont si dignement gagnée, embrassez jusqu’au bout la voie qui vous y mène ! La voie qui aboutit à ce bonheur n’est pas celle de l’inertie, mais bien celle de la souffrance : L’une est la voie large, l’autre est l’étroite. Passons par celle-ci pour conquérir la vie éternelle en Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel, avec le Père et le Saint-Esprit, appartiennent gloire, empire, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. l’abbé COLLERY.

FIN DU COMMENTAIRE SUR L’ÉPÎTRE AUX PHILIPPIENS.