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CHRONIQUE

centaines, ils marchaient comme une armée ; et, lorsqu’ils passaient dans les campagnes auprès des bergeries et des troupeaux de brebis, les pâtres abandonnant leurs troupeaux sans consulter leurs parens possédés de je ne sais quelle folie, s’enveloppaient avec eux dans le crime. Tandis que les pâtres et les simples y allaient dans une bonne intention, mais non selon la science, il y avait parmi eux un grand nombre de larrons et de meurtriers secrètement coupables de tous les crimes possibles, et par le conseil et la direction desquels la troupe était gouvernée. Lorsqu’ils passaient par les villages et les villes, ils levaient en l’air leurs masses, leurs haches et autres armes, et par là se rendaient si terribles au peuple, qu’il n’y avait personne de ceux à qui était confié le pouvoir judiciaire qui osât les contredire en rien. Ils étaient déjà tombés dans une telle erreur, qu’ils faisaient des mariages, donnaient des croix, et conféraient, du moins en apparence, l’absolution des péchés. Mais, ce qu’il y avait de pire, c’est qu’ils enveloppaient tellement avec eux dans leur erreur le bas peuple, qu’un grand nombre affirmaient, et que d’autres croyaient que les mets et les vins qu’on apportait devant eux ne diminuaient pas lorsqu’ils avaient mangé, mais semblaient plutôt augmenter. Le clergé apprit avec douleur que le peuple fût tombé dans une si grande erreur. Comme il voulut s’y opposer, il devint odieux aux pâtres et au peuple, qui conçurent pour les clercs une si injuste aversion, qu’ils en tuèrent plusieurs qu’ils trouvèrent dans les champs, et en firent, à ce que nous pensons, des martyrs. La reine Blanche, dont l’admirable sagesse gouvernait