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CHRONIQUE

eaux, rendirent le camp des nôtres inaccessible, Dieu manifestant évidemment par là que les élémens eux-mêmes s’opposaient et livraient combat aux insensés, en faveur des adorateurs du Christ. Le soudan s’en étant aperçu, mit le feu à son camp, et s’enfuit, craintif et confus. Les nôtres étant entrés dans la ville, trouvèrent les places jonchées des cadavres de gens morts de la peste et de la famine ; car le Seigneur avait tiré son glaive sur eux ; et sa main en avait tant fait périr que, depuis le commencement du siège, dans l’espace de vingt mois, il périt dans la ville soixante-dix mille païens ; trois mille seulement demeurèrent vivans. On y trouva beaucoup de vivres, de l’or, de l’argent, des étoffes de soie, des pierres précieuses et d’autres richesses infinies. On fit un partage de tout cela, ainsi que de la ville, et chacun reçut ce qui lui convenait, d’après les prudentes décisions des hommes sages et du commun conseil de personnes choisies pour cette affaire. La domination de la ville fut donnée à perpétuité à Jean, roi de Jérusalem, pour augmenter son royaume. La ville ayant enfin été purifiée, Pélage, légat du Siége apostolique, accompagné du clergé et du peuple, au milieu des flambeaux et des luminaires, des hymnes et des cantiques, partit en procession, le jour de la Purification de sainte Marie, pour entrer dans la ville ; et de la Mahomerie, purifiée avant par ses ordres, il fit une basilique qu’il consacra en l’honneur de la sainte Vierge Marie, mère de Dieu. Il y établit un siége épiscopal, et, fondant en larmes et manifestant une grande dévotion, y célébra la messe au milieu du peuple. Cette ville, outre qu’elle était fortifiée par sa situation naturelle,