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DE GUILLAUME DE NANGIS

quefois sur le point d’être accompli. A la décollation de saint Jean-Baptiste, s’étant avancés avec orgueil et sans ordre pour combattre le soudan, comme ils se fiaient en leurs forces, et non au Seigneur, un grand nombre d’entre eux succombèrent et périrent, non cependant sans quelque dommage pour l’armée des païens. Parmi les nôtres, furent faits prisonniers de nobles hommes, tels que Milon de Nanteuil, évêque de Beauvais ; le vicomte de Sainte-Suzanne ; Gautier, camérier du roi de France ; et quelques autres Français puissans par la gloire de leurs armes. Ce jour-là, Jean, roi de Jérusalem, se conduisant courageusement, fut presque brûlé par le feu grégeois ; mais le Dieu compatissant et miséricordieux sauva la vie à son chevalier, abaissant d’ailleurs l’orgueil des nôtres. Vers la fête de la Toussaint, quelques-uns de nos gens, envoyés pendant la nuit à une porte de la ville pour reconnaître l’état des assiégés, n’ayant aperçu au dedans aucune sentinelle, dressèrent des échelles, et montèrent sur les remparts. Ensuite ils ouvrirent les portes, prirent et tuèrent un petit nombre d’assiégés qui voulaient faire résistance. Ainsi donc fut prise par les nôtres, aux nones de novembre, la ville de Damiette, sans reddition, sans assaut ni sans violent pillage, aux yeux du soudan de Babylone, qui, miraculeusement frappé de terreur, n’osa pas, selon sa coutume ordinaire, attaquer les chevaliers du Christ, afin que la victoire fût attribuée à Dieu seul. Comme les nôtres n’osaient entrer dans la ville, dans la crainte que l’armée des païens, qui les entourait, ne s’emparât de leur camp, il arriva, par la volonté divine, que le Nil déborda, au point que les