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DOURDAN SOUS LES DUCS DE BERRY ET DE BOURGOGNE.

armée tout entière suivit le duc de Bourgogne, quand il se mit en marche, secondé « de la grand-compagnée de gens de guerre et de traict » du comte d’Arondel, ces alliés anglais auxquels le traître et impudent duc rouvrait les portes de la France. Culbutés au pont de Saint-Cloud, les Armagnacs se replièrent « en faisant maux innumérables ; » et c’est alors que, s’attachant à leurs pas, la puissante armée bourguignonne se lança dans toutes les directions pour envahir à son tour, et confisquer et « mettre en la main du roi » les terres des princes armagnacs. Groupés autour du roi et du dauphin, duc de Guyenne, auquel on faisait faire ses premières armes, le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de la Marche, de Penthièvre, de Vaudemont, le maréchal de Boucicaut, une foule de chevaliers et de gens de Paris conduits par l’un des fils du boucher Thomas le Gois, marchant à grant puissance, avec engins et machines, s’arrêtèrent sous les murs d’Étampes, où les retint quelque temps l’héroïque défense du lieutenant du duc de Berry, le chevaleresque et infortuné Louis de Bosredon ; puis, s’avançant dans la Beauce, ils arrivèrent devant Dourdan.

« Dourdan, dit la chronique du Religieux de Saint-Denis, était une place de difficile accès, où le duc de Berry, oncle du roi, avait mis bonne garnison (ad Dordanum, utique municipium accessu difficile, ubi dux Biturie, regis patruus, multos strenuissimos constituerat deffensores). C’étaient tous de vaillants hommes ; mais, instruits par le malheur de leurs voisins et désirant éviter un siége, ils envoyèrent au-devant du duc de Guienne Jean de Gaucourt et Louis Bourdon pour lui offrir de mettre à sa disposition leurs personnes et leurs biens, et lui demander une suspension d’armes de huit jours. Ils espéraient fermement que, dans l’intervalle, on leur enverrait des secours qui obligeraient leurs ennemis à lever le siége[1]. L’affaire fut mise en délibération, et pendant ce temps le duc mandait un renfort de Paris. Les assiégeants, pour ne pas encourir le reproche de peur ou de lâcheté, souscrivirent à la demande qui leur était faite ; mais, au jour fixé, le secours attendu par les assiégés n’arriva pas et la ville se rendit sans coup férir (oppidum sine violencia receperunt)[2]. »

Bien que remis au roi, Dourdan appartenait encore au duc de Berry en 1415 : car Monstrelet nous apprend qu’en avril « les seigneurs du sang royal, prenant congié à la royne, se séparèrent l’un de l’autre. Et alèrent le duc de Berry à Dourdan, dans sa conté d’Estampes, et le duc d’Orléans à Orléans (III, 69). »

Six ans après (1417), les rôles étaient changés : les Bourguignons,

  1. C’est pendant cette trêve que le comte de La Marche, cherchant aventure, fut fait prisonnier par les gens du parti d’Orléans.
  2. Chronique du Religieux de Saint-Denis, liv. XXXII, ch. xxxviii, publiée dans la collection de documents inédits sur l’histoire de France. — Jean Juvénal des Ursins, p. 473, dit la même chose.