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DOURDAN SOUS LES COMTES D’ÉVREUX.

des années malheureuses qui venaient de s’écouler, et qui avaient tant à se plaindre des ravages du gibier sur leurs terres. Le prieuré avait été affligé par un drame sanglant (1381). Un membre indigne de l’ordre, que ses supérieurs avaient voulu expulser, s’était vengé par le meurtre du prieur, et une lettre de grâce accordée par le roi Charles VI à un pauvre jeune homme de Corbreuse, complice involontaire, nous révèle les détails de cette scène sanguinaire où se peignent les mœurs rudes et violentes de l’époque[1].

Si le comte Louis ne cessa pas jusqu’à sa mort de posséder et d’occuper Dourdan, nous devons dire toutefois qu’il en abandonna, dès 1381, la nue propriété. Se voyant sans postérité, il fit donation entre-vifs du comté d’Étampes et des seigneuries de Dourdan, Gien et Aubigny-sur-Nierre à Louis, duc d’Anjou, second fils du roi Jean, se réservant sa vie durant la jouissance de ces domaines et le douaire de sa femme (9 nov. 1381). Cette donation avait pour motifs la proximité du sang et les liens d’étroite amitié qui unissaient ces deux princes depuis leur enfance[2]. Mais le duc d’Anjou, roi de Sicile, ne jouit pas de la libéralité de son généreux ami, ce fut lui qui mourut le premier, et ses enfants transportèrent Étampes et Dourdan à leur oncle Jean, duc de Berry, en échange de certains droits qui lui avaient été accordés par leur père sur la principauté de Tarente[3].

Cependant le vieux comte Louis, l’usufruitier et vrai seigneur, vivait encore, et bien qu’il daignât autoriser le duc de Berry à se faire dès lors recevoir en foi par le roi[4], il n’en conservait pas moins tous ses droits sur Dourdan et ne cessait pas de l’habiter. Nous en avons trouvé la preuve dans un acte conservé au trésor des Chartes qui porte « vente d’un aulnoy qui fut à Regnault de Lardy à Mgr le comte d’Étampes, par devant Jehan Davi, bailli de Dourdan[5]. » Cet acte est de l’an 1399. Le vieux comte n’avait plus alors que quelques mois à vivre. Un jour, disent les historiens, étant à dîner à l’hôtel de Nesle, chez le duc de Berry, le bon vieillard laissa tomber sa tête sur l’un de ses bras qu’il avait ployé sur la table. Le duc s’en aperçut et dit en riant : Le beau cousin s’endort, il faut le réveiller. Ce sommeil était celui de la mort (6 mai 1400).

  1. Voir pièce justificative XIII. Tirée des Archives de l’Empire, registre JJ. 128, fol. 89 ro.
  2. Voir cet acte aux Arch.de l’Emp., J. 186, 53 ; dans de Lescornay, p. 115, et dans les Antiquitez de la ville d’Estampes, par B. Fleureau, p. 159. — Il est remarquable comme exemple de toutes les clauses et stipulations dont on entourait alors les contrats.
  3. Par des lettres patentes du mois d’août 1385, le roi Charles VI ratifia ce transport. — Arch. de l’Empire, J. 186, 58. — De Lescornay, p. 125. — Fleureau, p. 168.
  4. 4 sept. 1387. — Arch. de l’Empire, J. 186, 67.
  5. Arch. de l’Empire, J 166, 33.