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APPENDICE II.

la fière position de son église, le vaste parc de son château, tout révèle une cité qui a eu de nobles maîtres et qui vit aujourd’hui des souvenirs d’une ancienne histoire. Cette histoire, nous ne l’aborderons pas ici ; elle mériterait un ouvrage spécial. C’est à peine si nous la résumerons en quelques lignes[1].

Les murailles du vieux château, dont les pans ruinés forment une enceinte bizarre et irrégulière autour du sommet allongé de la colline, rappellent l’ancienne disposition de l’oppidum gaulois. Les possesseurs de la contrée ont dû, dans tous les temps, profiter de ce poste avantageux pour commander le pays, et, bien avant la féodalité, les légendes nous parlent du lieu d’Hibernie, dominant la Rabette sur les confins de l’Yveline et du Châtrais. Quand, avec la troisième race, les seigneurs de Rochefort commencent à jouer un rôle dans l’histoire, le château et l’église existent sans doute déjà, et la vaste circonscription du doyenné de Rochefort, dans le diocèse de Chartres, atteste bien évidemment l’ancienne importance de la localité. Chef-lieu d’un comté qui embrassait tout le midi de l’Yveline et une partie de la Beauce, Rochefort appartenait, au xie siècle, à ces puissants et redoutés seigneurs de Montlhéry, qui avaient dans leurs mains la clef de tous les passages entre Paris et Orléans. Nous avons vu les sanglantes inimitiés des maîtres de Rochefort et du roi Louis le Gros. C’est sur ces entrefaites que la seigneurie passa, par un mariage, aux Montfort, les fiers barons qui, pendant le xiie et le xiiie siècle, tenaient la couronne de France en échec, en traitant au besoin, comme des puissances, avec le roi d’Angleterre, et promenaient de croisade en croisade leur turbulente et farouche ambition[2]. Une femme, la princesse Béatrix, demeura seule, durant près d’un demi-siècle, maîtresse et gardienne de l’héritage des Montfort, et c’est sa fille Jeanne, comtesse de Roucy, qui eut en partage Rochefort, laissant Montfort à sa sœur Yolande (1317).

Aux de Roucy, aux de la Roche-Guyon, succèdent les de Silly. Rochefort, partagé (1556) entre Bertin de Silly, Adrienne d’Estouteville et Jean d’Épinay, passe en 1596 au petit-fils de Catherine de Silly, Hercule de Rohan, et à toute sa race.

On sait les rôles politiques et religieux, les fortunes et les scandales de cette maison de Rohan, de ces princes de Guéménée, ducs de Montbazon, courtisans en faveur, hommes de guerre ou de plaisir. Rochefort a vu et gardé pendant cinq ou six années à peine le dernier monu-

  1. MM. Moutié et de Dion ont reconstitué les annales féodales de Rochefort dans leurs belles et savantes études sur Chevreuse et sur Montfort.
  2. Amaury III de Montfort, comte d’Evreux, qui épouse l’héritière de Rochefort, arrête le roi d’Angleterre (1124). Son fils, Simon III, lui livre au contraire ses châteaux de Rochefort, de Montfort et d’Épernon, pour forcer la main au roi de France. — Simon IV périt, souverain du Languedoc, dans les cruelles guerres des Albigeois, etc.