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APPENDICE II.

Marais chez madame des Marais, où il y avait beaucoup de monde du pays ; elle me reçut, à son ordinaire, avec beaucoup de joie et de magnificence. »[1] On lisait encore avant la Révolution, sur l’écorce d’un orme séculaire, à l’entrée du château : « La main du grand Sully me planta dans ces lieux. »

César Hurault vendit le Marais à Pierre Henry Le Maître, le 19 mars 1706.

L’avenue du château nous conduit au Val-Saint-Germain, le chef-lieu de la commune, qu’on appelle aussi Sainte-Julienne car nous sommes ici en plein pèlerinage, et l’image de la sainte dans sa chaudière se voit aux enseignes du village. Sur une petite place, une très-vieille église, au clocher nouveau, ouvre son porche de charpente au passant. Descendons dans cette nef humide et sombre, aux massifs et primitifs piliers, à laquelle les siècles suivants ont ajouté un chœur élancé et des ornements de tous les âges. Le long des murs, sous les arceaux, sont rangées, comme en procession, des files de torches enrubannées de formes bizarres, avec des inscriptions et des dates. Ce sont les « souches » offertes par les villes, les villages, les églises, les fidèles venus en pèlerinage au Val. Elles sont en marbre, en bois, en métal, travaillées comme des chefs-d’œuvre de maîtrise ou grossièrement taillées. Il y a des noms de grandes villes, il y a des hommages venus de loin. C’est qu’en effet le pèlerinage de Sainte-Julienne était — on peut dire est encore — le plus célèbre de la région. Suivant Surius et Baillet, la relique de sainte Julienne de Nicomédie en Afrique fut apportée de Constantinople, après la prise de cette ville par les Latins en 1203. D’après une pieuse tradition, un gentilhomme breton qui faisait partie de la croisade et qui avait obtenu le précieux chef de la sainte avec l’intention de l’emporter dans son pays, passa, chemin faisant, par le Val-Saint-Germain. Retenu dans ce lieu par une grave maladie, il fit vœu, s’il recouvrait la santé, d’élever au Val une église en l’honneur de sainte Julienne et d’y déposer sa relique. Pendant des siècles, cinq à six mille pèlerins, dit-on, se donnaient rendez-vous chaque année, principalement dans la semaine de la Pentecôte, de plus de trente lieues à la ronde[2]. Des paroisses de Paris y venaient avec leur clergé, et les églises des environs, celle de Dourdan en tête, arrivaient de toutes parts en procession. La foi s’est singulièrement attiédie, on n’accourt plus de si loin à Sainte-Julienne ; pourtant on peut voir encore à l’époque des pélerinages quelques cortéges villa-

  1. Mém. collect. Michaud. iiie série, t. IV, p. 220.
  2. La confrérie de la Charité de Meulan venait chaque année de plus de 70 kil. — Hist. de Meulan, in-8, 1868, par Em. Réaux, p. 427.

    Nous avons retrouvé à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas de Paris le cérémonial du pèlerinage à Sainte-Julienne, les comptes des carrosses et des repas du clergé, et plusieurs centaines de noms de la paroisse inscrits sur les registres de la confrérie de Sainte-Julienne.