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DOURDAN EN 1789.

la nation s’administrant elle-même. Mais les classes inférieures, sourdement minées, ne s’y trompaient pas. « Encore des mangeries, » avait dit un de nos laboureurs en entendant parler des assemblées provinciales. Le mot malheureux : « il est trop tard » allait venir à toutes les bouches. Les États généraux étaient à la veille de s’ouvrir. Lebrun, plein d’inquiétudes pour l’avenir, se retira dans sa solitude de Dourdan. Là, il composa, sous le titre de la Voix du Citoyen, un écrit adressé au roi. Dans des pages pleines de conviction et de sagesse, il esquissait un plan de réforme et préludait aux remontrances du Tiers, dont il allait être un des organes.

En exécution de la lettre du roi du 24 janvier 1789 et de l’ordonnance du grand bailli, du 14 février, l’assemblée générale des trois ordres du bailliage de Dourdan, pour la nomination des députés aux États généraux, eut lieu le lundi 16 mars 1789[1]. À onze heures du matin, après une messe du Saint-Esprit entendue à Saint-Pierre par les trois ordres, la réunion se fit dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, sous la présidence d’Auguste-Joseph de Broglie de Rével, prince du Saint-Empire romain, colonel attaché au régiment de la Couronne-infanterie, conseiller du roi, grand bailli d’épée de Dourdan. Une harangue de M. Crochart, procureur du roi, annonça à l’assemblée l’accomplissement de toutes les formalités préalables, et lecture fut faite des édits et règlements. On procéda à l’appel des députés des deux premiers ordres, et on remit l’appel du tiers au lendemain. La séance du mardi fut consacrée à la vérification des pouvoirs, à la prestation du serment et à des harangues de plusieurs nobles députés. Un esprit de conciliation et une bonne volonté générale se résumaient dans ces paroles du baron de Gauville : « Soyons citoyens avant tout ; c’est le but de notre convocation. Que les trois ordres réunissent tous leurs efforts pour sauver le roi et le royaume ! »[2].

Le comte de Lally-Tollendal[3] fit une motion très-étendue concluant à la confection d’un cahier unique pour les trois ordres. Le vicomte de Prunelé soumit un projet de ce cahier commun. Le marquis d’Apchon sollicita l’assemblée de s’occuper des intérêts de l’agriculture, du commerce, de la restauration des mœurs. Pajot de Juvisy lut un mémoire sur l’é-

  1. Archives de l’Empire. B. III, 63.
  2. Journal du baron de Gauville, publié par M. Éd. de Barthélemy. Paris, 1864. — Louis-Henri-Charles, comte de Gauville, chevalier, seigneur et baron de la Forest-le-Roy, né à Orléans le 14 juillet 1750, page du prince de Condé, devenu sous-lieutenant aux gardes du corps et chevalier de Saint-Louis, avait été convoqué à la fois aux assemblées d’Étampes et de Dourdan. Ayant étudié consciencieusement les questions et trouvant un peu vague le cahier d’Étampes, il s’était décidé pour Dourdan, dont les assemblées avaient été retardées.
  3. Lally-Tollendal, fils du célèbre condamné, homme sensible, éloquent, novateur, à peine remis des émotions du procès de son père, était grand bailli d’Étampes et avait été appelé assez irrégulièrement à Dourdan.