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DOURDAN SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS.

puissante maison de Chartres-Champagne. Le comte Thibault était en haute faveur. Le roi Louis le Jeune l’avait nommé sénéchal de France, choisi pour gendre en lui donnant en mariage sa propre fille Adèle, et pour beau-frère en prenant comme seconde femme Alix de Champagne. Guillaume aux Blanches Mains, frère de Thibault et d’Alix, occupait le siége de Chartres. Tous les pouvoirs étaient aux mains de la famille.

Louis le Jeune trouva dans Dourdan un agréable séjour qui le rapprochait du centre de ses alliances, et la nouvelle reine ne tarda pas à prendre en grande affection un pays qui touchait au sien.

Le bon roi Louis, que sa grande dévotion fit surnommer le Pieux, aimait trop l’entretien des religieux et le voisinage des monastères pour se contenter de quelques chanoines qui desservaient les paroisses de Dourdan ; il songea bientôt à y attirer plusieurs de ces saints et vénérables religieux de Grandmont, connus sous le nom de Bonshommes, qui édifiaient alors une partie de la France par leur vie humble et leurs austères vertus. Fondé en Auvergne vers l’an 1076 par saint Étienne de Muret, transporté-bientôt sur de hautes cimes au diocèse de Limoges, l’ordre de Grandmont, qui suivait la règle sévère de saint Benoît, avait été confirmé dès son origine par les souverains pontifes, protégé par les rois de France et d’Angleterre, favorisé de beaux priviléges et de nombreuses immunités ; moins d’un siècle après la mort de son saint fondateur, il comptait près de cent cinquante monastères qui suivaient tous son étroite observance[1].

Plusieurs maisons de cet ordre furent créées dans le diocèse de Chartres, sous le patronage de l’évêque Jean de Salisbury, le disciple bien-aimé de Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry. De ce nombre furent celles de Louye et des Moulineaux réunies par la suite[2].

Louis le Jeune, qui paraît avoir eu une affection toute particulière pour l’ordre de Grandmont, en faveur duquel il fonda et dota richement plusieurs maisons, choisit presque à la porte de Dourdan, à 3 kil. à peine, dans le bois qui s’ouvre au sud-ouest, un lieu déjà consacré à Dieu suivant une antique tradition. C’était, comme dit de Lescornay, une grande planade de terres labourables, formant une sorte de vallée solitaire dominée de toutes parts par des versants boisés. Ce lieu, connu sous le nom de Louye, locum de Loyâ, était, selon la légende, l’endroit même où un prince égaré à la chasse avait été ouï de ses compagnons et avait, en reconnaissance, élevé un sanctuaire à Notre-Dame de l’Ouïe. Ce qu’il y a de certain, c’est que cette étymologie avait cours au xiiie siècle : car,

  1. Hermant, Histoire des ordres religieux, t. II.
  2. En parlant pour la première fois du prieuré de Louye, dont l’histoire se mêlera maintes fois à celle de Dourdan, nous tenons à mentionner spécialement les documents rassemblés dans un Recueil de chartes et pièces relatives au prieuré N.-D. des Moulineaux, publié en 1847, avec une introduction, par m. {{{1}}}, le très-estimé et savant président de la Société archéologique de Rambouillet.