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LE MARCHÉ AUX GRAINS.

suit à Dourdan, on le méconnaît à Auneau. Il y a d’ailleurs, dans la loi, des contradictions et des lacunes qui achèvent de bouleverser l’entendement du plus dévoué des administrateurs. En vertu de l’article 6, les grains et farines ne doivent être vendus que sur les halles et marchés, mais on a oublié la sanction ; en vertu de l’article 9, le roi défend à tout officier de justice de mettre opposition à la libre circulation des grains sous quelque prétexte que ce soit. À côté de cela, il y a encore des règles spéciales pour l’approvisionnement de la capitale. Ce sont, conclut le subdélégué, « autant d’obstacles que notre faible intelligence ne nous permet pas de surmonter. »

Viennent l’arrêt du conseil du 13 septembre et les lettres patentes du 2 novembre 1774, proclamant et encourageant le libre commerce des grains : la crise éclate. Au lieu d’user de la liberté, tout le monde en a peur, si bien que le samedi 6 mai 1775, le marché de Dourdan est presque vide. Midi est sonné, et il n’y a sur la place que 144 septiers de grains. Le peuple des campagnes, auquel il faut du pain pour la semaine, mécontent d’un si faible approvisionnement, se jette avec violence sur les sacs et les emporte malgré la maréchaussée. La mutinerie croît avec le désordre ; les paysans se portent dans plusieurs maisons de la ville servant de serres à grains à quelques propriétaires et laboureurs, et pillent sans payer ou en ne payant que 15 livres le sac.

Jusqu’à neuf heures du soir, l’émeute se prolonge.

Les principaux habitants, réunis au château, se consultent avec anxiété. On a vu, tout le jour, un petit homme habillé de rouge, que nul ne connaît, allant et venant, soufflant la discorde, se disant porteur d’ordres du roi, proclamant le pain à bon marché et menaçant d’arrêter les sergents. Il a disparu sur le soir. Toute la nuit on demeure sur pied, et, faute de mieux, les gardes de la forêt sont astreints à relever, pour les patrouilles, les gendarmes harassés.

Le lendemain, les esprits sont calmés, mais abattus. Les boulangers viennent en corps au bailliage déclarer qu’ils ne peuvent pas cuire faute de farine. Les marguilliers de Saint-Germain sont consternés : le marché est perdu ; la confiance manquant, les laboureurs n’y viendront plus. Courriers sur courriers sont expédiés à Orléans, au siége de la généralité ; on réclame des troupes permanentes, on demande de taxer le prix du grain, de faire approvisionner de force le marché, etc. M. de Cypierre, l’intendant, arrive. On apprend de sa bouche qu’il a sur les bras tous les marchés de son département. Les troupes sont occupées aux émeutes d’Arpajon et de Malesherbes. Il promet néanmoins des soldats, fait une enquête rapide et court ailleurs.

Le 11, on reçoit l’avis que deux compagnies de carabiniers, l’une d’Arpajon, l’autre d’Étampes, feront jonction à Dourdan le samedi suivant, mais ne pourront rester.

Le 13 mai, jour du marché, au matin, quarante-huit carabiniers se