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LE CHÂTEAU DE REGNARD À GRILLON, ETC.

Le goût, les oreilles, les yeux ;
Ici le moindre domestique
A du talent pour la musique.
… Les hôtes même, en entrant au château,
Semblent du maître épouser le génie.
Toujours société choisie ;
Et ce qui me paraît surprenant et nouveau,
Grand monde et bonne compagnie[1].

Si Regnard s’amusait à Grillon, il y travaillait beaucoup. Jetant, de sa retraite, un coup d’œil railleur sur le monde plus ou moins corrompu de son siècle, il continuait à en peindre les mœurs dans une suite d’œuvres comiques. Trop peu moral pour être moraliste, il ne s’avisait pas de donner des leçons, il ne flétrissait aucun travers. En ce sens, il restait bien au-dessous de Molière, son maître, dont le masque a un côté sérieux, tandis que celui de Regnard rit toujours et ne sait réellement faire que cela — si franchement, à la vérité, et de si bon cœur, qu’on a quelque peine à s’en formaliser. Du cabinet de Grillon, dont on cherche vainement la place aujourd’hui dans l’herbe des prés, et où Regnard avait pendu, dit-on, ses chaînes de captif qui lui rappelaient peut-être celles de la belle Elvire, sont sorties successivement les pièces que tout Paris applaudissait :

Démocrite — cinq actes, en vers, joué pour la première fois le 12 janvier 1700.

Le Retour imprévu — un acte, en prose — 11 février 1700.

Les Folies amoureuses — trois actes, en vers, précédés d’un prologue en vers libres et suivis d’un divertissement intitulé le Mariage de la Folie — 15 janv. 1704. — Le plus gai des morceaux du répertoire, celui qu’on reprend le plus volontiers encore aujourd’hui.

Les Ménechmes ou les Jumeaux — cinq actes, en vers, avec prologue en vers libres — 4 déc. 1705.

Le Légataire universel — cinq actes, en vers — janvier 1708. — Chef-d’œuvre d’entrain et d’esprit, mais d’une morale aussi peu scrupuleuse que possible.

La Critique du légataire — un acte, en prose — 19 fév. 1708. — Justification que l’auteur crut devoir faire de son œuvre auprès d’un public qui éprouvait quelques scrupules à goûter des personnages aussi effrontés.

C’est encore là que Regnard composa le récit des curieux voyages qu’il avait faits à l’âge de vingt-six ans, en compagnie de ses deux jeunes

  1. Dufresny, le spirituel auteur, venait, dit-on, quelquefois. M. Febvé a fait jouer au Vaudeville, 13 février 1808, et imprimer la même année : Regnard et Dufresny à Grillon, ou la Satire contre les maris, vaudeville en un acte qualifié fait historique, mais plein d’anachronismes.