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CHAPITRE XXI

LE CHATEAU DE REGNARD À GRILLON ET LA MAISON DU PARTERRE À DOURDAN.


I.

Grillon, nous l’avons dit, est à la porte de la ville. C’est encore Dourdan. Nous avons esquissé l’histoire de cet ancien fief[1], mais nous avons promis à nos lecteurs de les y ramener pour y faire une visite au célèbre personnage qui en était propriétaire durant les dix premières années du dernier siècle.

Il y avait, à cette époque extrême du siècle de Louis XIV, période pleine de convention, de lassitude et de contrainte, un homme qui savait égayer ses contemporains. Il les scandalisait bien un peu par la peinture de mœurs fort équivoques, mais ces mœurs avaient déjà cours à huis clos, et n’attendaient que la Régence pour s’étaler au grand jour. Facile dans ses écrits, il l’était lui-même dans sa vie. Il avait ri avant de faire rire. On riait, on rit encore avec lui. Né dans le même quartier que Molière, sous les piliers des halles, le 7 février 1655[2], d’un père bon bourgeois, riche marchand de salines, Jean-François Regnard, indépendant de position et de caractère, avait promené par le monde sa jeunesse aventureuse, dont le récit est un mystérieux roman. Intrigue galante, voyage sur mer, corsaire, esclavage en Turquie, liberté reconquise par des talents culinaires et des tours à la Gil-Blas, escapade

  1. Voir chapitre XIII, § 3, p. 141.
  2. Voir, sur l’époque controversée de la naissance de Regnard, la lettre du sagace commissaire de police Beffara. — Œuvres de Regnard, édit de Crapelet, 1822, in-8.