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CHAPITRE XVIII.

quatre marches. Un long corridor chemine sous le fossé et aboutit à un autre « huis de fer » qui donne accès à l’aide d’une échelle dans le premier étage du donjon. Là sont « les escalliers et vis pour monter au hault d’icelle tour, ung puits et ung four. » Sur le faite, « les murailles de pierres de taille sont escorchées de quinze thoises ou environ à cause du canon, » et il est resté « des courtines d’oziers plaines de terraces qui journellement, par la pourriture d’icelles, tombent tant en fossez que au dedans d’icelle tour. »

Sur le mur de clôture est plantée « une garitte faicte de charpenterie et couverte en thuille où se met ordinairement une sentinelle regardant à la porte de Chartres. » Les parapets, ou bordages des fossés sont en plusieurs endroits rasés jusqu’au sol de la rue et des pierres de taille « picquez » gisent dans le fossé au-dessous de la grosse tour[1].

Il est difficile de trouver, dans le style d’un acte et dans l’expertise d’un maçon, une description plus complète et plus saisissante. Nous l’avons dégagée de quelques surcharges fastidieuses et inutiles, mais nous l’avons citée textuellement, en lui conservant toute son exactitude et sa couleur.

Si l’entreprenant de Harlay de Sancy avait été longtemps maître de Dourdan, il aurait restauré et renouvelé le château. Il en refit le principal corps de logis. Trouvant inhabitable celui qui donnait sur la rue de Chartres, il fit construire un bâtiment entièrement neuf sur l’emplacement du « corps d’hostel » presque ruiné qui s’étendait en face, de l’autre côté de la cour, et s’ouvrait sur la vallée. Appuyée d’un côté à la terrasse qui regarde l’église et de l’autre à la tour d’angle du couchant, l’aile nouvelle enclavait et avait pour centre la tour qui s’élève au milieu de ce côté de l’enceinte. Surmontée d’un haut toit d’ardoise pointu et circulaire, à girouette élancée, cette tour se relia par des noues aux combles de tuile à pentes rapides des deux corps contigus. Deux ou trois grandes salles au rez-de-chaussée, une série de chambres au premier étage regardaient, les unes l’intérieur de la cour, les autres le point de vue de la campagne. Des fenêtres principales, exposées en plein midi, l’œil embrassait, dans un charmant panorama, tout le cours de la vallée et la ligne harmonieuse des collines qui la bordent : à gauche, au seuil du haut plateau de Beauce, la tour carrée de l’église des Granges, la butte de Normont couronnée d’arbres et environnée d’une ceinture de vignes — en face, les champs de blé au milieu desquels serpentent les chemins d’Authon, de Corbreuse et d’Auneau ; plus loin les cimes de la forêt de Louye et, dans un repli des bois, le vieux monastère — à droite, Potelet et Grillon dans les prés, et au fond, derrière le rideau de peupliers qui laisse deviner le cours de l’Orge, la vallée de Sainte-Mesme et de lointains coteaux baignés le soir dans la lumière du soleil couchant.

  1. Archives de l’Empire. Q. 1514.