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CHAPITRE XVI.

puis le baptême de Louis d’Étampes jusqu’aux relevailles d’Anne d’Autriche ; depuis le chant du Parce par la foule en alarme à l’approche de Salisbury ou sous l’étreinte de la peste, jusqu’au chant du Te Deum pour une victoire de Louis XIV ! L’église que nous voyons a tout entendu et demeure comme un muet témoin des scènes oubliées dont les acteurs ont vécu sous ses voûtes ou dorment sous ses dalles.

Dourdan, ville royale, liée par conséquent à toutes les fortunes du trône, a dû par convenance, par devoir de position, pour ainsi dire, s’associer en fidèle serviteur à tous les succès, à tous les deuils de la royauté et l’église Saint-Germain en a toujours répété les échos glorieux ou funèbres. Pour ne parler que des derniers siècles, c’est à chaque instant que reviennent, dans les comptes de paroisse, les services de Requiem pour les rois, les reines ou les princes défunts. Les ducs d’Orléans, seigneurs de Dourdan, meurent à tour de rôle ou perdent leurs femmes ; ce sont autant de catafalques à dresser. Quand Henriette d’Angleterre expire subitement, le cri : « Madame se meurt, Madame est morte ! » retentit jusqu’à Dourdan, répété dans la chaire par un modeste vicaire. Lorsque la reine meurt en 1683, c’est une grande dépense pour la fabrique qui fait dignement les choses[1]. Les Te Deum sont aussi d’une fréquence inouïe, et au xviiie siècle, sous le règne de Louis XV, ils se succèdent certaines années presque chaque mois. Te Deum pour le rétablissement de la santé de Louis le bien-aimé, le 24 septembre 1744, accompagné au dehors d’un enthousiasme indicible et de fontaines de vin coulant dans les rues. Te Deum à l’occasion de l’attentat de Damiens contre le roi, le 5 janvier 1757, et prières des quarante heures requises à Dourdan, dès le 8, par jugement du bailliage. Te Deum pour l’accouchement de madame la Dauphine, 27 septembre 1750, à l’occasion duquel tous les habitants se brouillent les uns contre les autres au sujet des invitations. Mais l’inépuisable matière à Te Deum ce sont les victoires : victoires de la Ligue, de Louis XIII, de Louis XIV, de Louis XV. Les lettres de l’intendance parviennent coup sur coup au subdélégué et au curé avec la formule accoutumée. Nous en avons sous les yeux plus de trente qui se ressemblent. On en compte neuf de juillet en octobre 1745 et jusqu’à trois dans une semaine ; l’année 1746 est aussi féconde à cause de la guerre de

  1. « Pour le service de la feue reine, en octobre, payé 445 liv. 10 s., scavoir : 262 liv. 8 s. pour 200 livres de cire blanche. — A Raingard, peintre, 111 liv. pour deux grandes armoiries et huict douzaines de petites, et avoir doré deux couronnes et deux bastons royaux. — 53 s. pour les cartes employez aux dites couronnes. — 30 liv. payez à Rolland Vian pour le mausolée. — 24 liv. payez aux sonneurs. — 11 liv. payez à M. Raibaut, vicaire, pour rétribution de l’oraison funèbre par lui prononcée. — 40 s. payez à Salé, menuisier, pour avoir travaillé au dit mausolée et gardé une porte du cœur de la dite église pendant le service, etc. — Plus un drap mortuaire, des crespes et la tanture de deüil, fourny par Noël Dossonville. » — Archives de l’église.