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CHAPITRE XIV.

sait à Dourdan, il restait malheureusement encore bien des abus particuliers. Chaque seigneur de fief avait en effet établi à son profit une sorte de capitainerie et changé un droit honorifique en commerce de gibier. Aussi les terres étaient-elles ruinées, et les encouragements donnés aux défrichements étaient-ils annulés par les dégâts de chasse. « Je me tairai, dit le subdélégué de Dourdan justement indigné, car toutes les observations que j’ai faites à ce sujet et tant d’autres que je pourrois faire deviendroient infructueuses dans un siècle où des protections particulières heurtent de front le bien général. » (Lettre du 22 août 1773.)

Grenier a sel. — Dourdan fut privé jusque vers la moitié du xviiie siècle de cette branche d’administration. La ville et les paroisses de l’élection étaient tributaires sur ce point d’Étampes, Montfort l’Amaury, ou Chartres. Il y avait là une anomalie et une gêne qui préoccupaient vivement les hommes dévoués aux intérêts de Dourdan. M. Vedye fit un mémoire, M. de Verteillac usa de son crédit, M. d’Argenson, chancelier du duc d’Orléans, prêta son appui, M. Odile de Pommereuil sollicita à Paris pendant plus de dix-huit mois et, en dépit des oppositions rivales, la cause fut gagnée et un édit du roi Louis XV, daté de Versailles, 28 janvier 1743, créa dans la ville de Dourdan un grenier à sel avec une juridiction complète.

On est frappé en lisant cet édit, du contraste qui règne entre l’excellent exposé de ses motifs et l’esprit rigoureux et anti-économique de l’institution elle-même : « Les habitants des paroisses, dit l’édit, trouveront un avantage considérable dans ce nouvel établissement par les relations continuelles de commerce qu’ils ont avec cette ville de Dourdan, à cause de sa manufacture de bas au métier et à l’aiguille, et par rapport aux marchés qui se tiennent les samedis en cette ville… Ces habitants après avoir, les uns vendu leurs grains et denrées dans ces marchés, les autres apporté les deniers de la taille ou délivré leur ouvrage aux fabriquants de la ville, auront la facilité d’y lever le sel nécessaire pour leur provision, sans frais ni perte de temps. » Cinquante-cinq paroisses composent ce nouveau ressort, dont trente-cinq distraites du grenier d’Étampes, douze de celui de Montfort et six de celui de Chartres. « Les habitants desdites paroisses seront tenus de prendre au grenier de Dourdan tout leur sel qui leur sera délivré au prix de quarante et une livres le minot (montant avec les 4 sols pour livre et les droits manuels à 51 livres, 6 sols, 6 deniers), leur défendant de le prendre ailleurs et de se servir d’autre sel que de celui qu’ils auront levé dans ledit grenier, sous les peines portées par l’ordonnance des gabelles. »

L’édit créait en même temps toute une série d’offices et d’officiers. En instituant un tribunal en règle, l’État travaillait pour son fisc et comptait avec raison sur des délits qui ne pouvaient manquer[1].

  1. Les premiers officiers du grenier à sel de Dourdan furent : Président : Claude