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CHAPITRE XI.

les troupes royales, sous les ordres de Turenne et d’Hocquincourt, quittant subitement Châtres-sous-Montlhéry, investirent Étampes, et, pendant un long siége, durent à leur tour vivre sur le pays. Le printemps de cette année 1652 fut pour Dourdan plein d’angoisses et de pénibles charges : passages et logements de soldats, levées de vivres, alertes continuelles. Bien que l’armée du roi fût dès le principe victorieuse, les hasards d’une retraite, la possibilité d’un coup de main sur Dourdan, qui fournissait une grande partie des vivres, furent prévus par Turenne, qui fit envoyer de Corbeil au château de Dourdan une provision de poudre et de munitions, qu’on rangea dans les salles basses des tours.

Quand les deux armées rivales, rappelées ailleurs par leurs chefs, quittèrent presque ensemble la contrée, les traces laissées par leur passage étaient celles d’un orage dans un champ. Tous les titres du temps en font foi. Les comptes de la fabrique de Saint-Germain, pour l’année 1652, nous apprennent que l’adjudicataire du droit de mesurage des grains appartenant à l’Église obtint, par jugement du bailliage, diminution de son terme de juillet, « à cause de la guerre d’Estampes, » et de son terme d’octobre, « à cause de la stérilité. » Il y eut même un retard assez long dans la nouvelle adjudication, « à cause de l’incommodité laissée par les guerres, » et les marguilliers se plaignent que presque toutes les rentes de l’église sont réduites, celles de 90 livres à 30, celles de 67 à 22, etc., « à cause de la diminution faicte par estimation et rapport d’expers en justice pour les ruynes causées par la guerre d’Estampes. » Jusqu’à l’herbe du cimetière, dont le loyer tomba de 7 livres à 3, « à cause du dégast faict par les gens de guerre. » Les débiteurs échappaient aux poursuites, car la justice se rendait difficilement ; d’ailleurs, il n’y avait rien à prendre, et, comme disaient les marguilliers, « c’eust esté mauvais mesnage de faire des fraiz. » (Archives de l’Église.)

Les archives du Loiret ont conservé un procès-verbal par devant Me Léonard Dentart, notaire royal au village voisin des Granges-le-Roy, en date du 20 juillet 1653, duquel il résulte que la plupart des terres des Granges-le-Roy et des environs n’ont été ni cultivées, ni ensemencées pendant les années 1652-1653, à cause de la guerre, du séjour et du passage des troupes sur ces terres, et des dégâts faits par la garnison d’Étampes. Plusieurs terres sont en friche, et il est décédé dans ladite année plus de la moitié des habitants de ladite paroisse des Granges[1]. C’est que, comme une fatale conséquence de la misère, la peste avait envahi toute la région. L’histoire de la peste d’Étampes est une des tristes pages de ce siècle, et la contagion, gagnant de village en village, s’était étendue jusqu’à Dourdan et au delà.

  1. Archives départementales du Loiret. — Comté de Dourdan — Invent. de Vassal, A. 1384.