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CHAPITRE XI.

Juste. Un matin, une pauvre femme plus qu’octogénaire, accompagnée de six enfants, l’attendait, exténuée de fatigue, à l’issue de la messe et se jetait à ses pieds en lui remettant un placet. Elle était venue durant la nuit de Châtres (Arpajon), où sa malheureuse fille, Louise Crestot, veuve Cochet, venait d’être amenée pour être torturée et pendue le même jour. Son crime était d’avoir coupé les cordes et favorisé l’évasion de son neveu, Jacques Poirier, condamné à être étranglé à Châtres, par arrêt de la cour et déclaré innocent par le curé au moment de l’exécution. Louis XIII se fait lire par messire du Lac, le prieur de Louye, qui l’accompagne, le placet dont de Lescornay revendique la rédaction.

Tous les courtisans rassemblés accablent le roi de charitables sollicitations, et implorent l’envoi immédiat d’une lettre de grâce. Louis ne veut pas prendre sur lui de casser ainsi un arrêt de la cour et désire être dûment informé. Comme le temps presse, un exempt monte à cheval et le roi commande au prieur de Louye de l’accompagner. M. de Bautru, qui a très-bon cœur et craint qu’il ne soit pas fait suffisante diligence, prête un de ses meilleurs chevaux au président de l’élection, Jehan de Lescornay[1], et celui-ci, en personne, franchit « les quatre grandes lieues qui séparent Dourdan d’Arpajon. » Il trouve le gibet déjà planté et la pauvre femme entre les mains de l’exécuteur, au moment d’être mise à la question. Sur le commandement du roi, les officiers de la cour viennent à Dourdan ; le roi leur ordonne de ramener cette femme à la conciergerie et de dire à la cour de différer l’exécution, puis demande des informations pour pouvoir en délibérer dans son conseil. La cour ne tient pas grand compte du message royal, car on apprend deux jours après qu’elle veut faire procéder à l’exécution le lendemain matin. Le roi s’enquiert des moyens qu’il peut avoir de sauver la condamnée. Il est sept heures du soir, le temps est pluvieux, les chemins sont mauvais ; mais M. de Bautru s’entête dans sa bonne œuvre et après avoir soupé en toute hâte, monte à cheval et court de nuit jusqu’à Saint-Germain, où se trouve M. le chancelier, pour prendre de lui des lettres et les porter au matin à la cour qui sera bien forcée de différer. La pauvre misérable est ainsi sauvée, et, après plusieurs délibérations du conseil, obtient des lettres de grâce, depuis entérinées à la cour.

« Presque en mesme temps, le roy estant à la chasse, un pauure homme s’adresse à luy, se plaint de quelque mauuais traitement que luy auoit fait un sergent qui saisissoit ses biens, représente les outrages et violences et demande justice ; tout à l’heure, le roy enuoye quelques-uns de sa suite pour s’enquérir de la vérité de sa plainte, prendre le sergent et les records et les luy amener à Dourdan, pour les mettre entre les mains de la justice et les faire chastier selon leurs démérites. »

  1. Frère ainé de l’historien ; il avait remplacé son père, le vieux royaliste.