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CHAPITRE X.

récréer et à y dépenser de l’argent. Le grand surintendant ne pouvait se contenter des antiques logis délabrés du château. Le plus agréable de tous, celui qui regarde le midi et jouit de la vue de la vallée, étant hors de service, il le fit raser. À la place il éleva un grand bâtiment appuyé d’un côté à la terrasse qui regarde l’église, de l’autre à la tour du couchant. La tour qui existe au milieu de ce côté de l’enceinte fut comprise dans la nouvelle construction et son haut toit d’ardoise en devint le centre.

Là ne devaient point se borner les projets d’embellissement de Nicolas de Sancy. Chacun des vieux bâtiments du château aurait à son tour fait place à de nouvelles constructions ; mais la disgrâce du ministre arrêta tout, et ses grandioses desseins furent repris, avec infiniment plus d’économie, par son illustre et prudent successeur.

Maximilien de Béthune, duc de Sully, remplaça de Harlay de Sancy dans la faveur du roi Henri IV et dans le poste de surintendant des finances. Il le remplaça aussi dans la jouissance de la terre de Dourdan. « La terre de Dourdan que j’achetai de Sancy, qui la tenait des Suisses, dit Sully dans ses Mémoires, me coûta, outre l’argent que me devoit Sancy, cent mille livres d’argent déboursé[1]. » Il est très-probable que c’est à l’instigation de sa femme que Sully fit ce marché. Sully venait en effet d’épouser, en 1592, Rachel de Cochefilet, veuve de François Hurault, sieur de Châteaupers et du Marais, et cette dame qui avait dans le pays ses habitudes et ses intérêts fut sans doute heureuse d’y revenir. Des alliances de famille augmentèrent l’à-propos de ce voisinage. Rachel de Cochefilet maria sa fille, Mlle Du Marais, avec M. de la Boulaye, et Sully fit épouser Marguerite de Béthune, sa fille, à Henri II duc de Rohan, de la famille des seigneurs de Rochefort.

Pendant une douzaine d’années, Dourdan demeura entre les mains de l’intelligent ministre, aussi habile à régir ses propres affaires qu’à administrer la fortune publique. C’était ce qui pouvait arriver de plus heureux à ce domaine, depuis longtemps livré à l’incurie de maîtres passagers et à tous les désordres d’une gestion troublée par la guerre et l’occupation violente de deux partis rivaux.

Sous la sage tutelle de ce riche seigneur, et déchargée, grâce à son influence, du fardeau de l’impôt[2], la ville répara ses ruines ; le pays pacifié travailla à effacer la trace de ses désastres. L’église restaurée reprit peu à peu, au centre de la ville, sa noble et fière attitude et le timbre

  1. Mémoires de Sully, in-8, Londres, 1778, t. VIII, p. 274.
  2. Arrêt du Conseil, du 24 juillet 1607, qui décharge les habitants de la ville de Dourdan et des paroisses de Corbreuse, les Granges, Roinville, le Bréau Saint-Lubin, Saint-Germain, Saint-Cyr-sous-Rochefort, Authon, Sermaise, Saint-Chéron, Garancières, Saint-Maurice et Angervilliers, detoutes tailles et crues ordinaires et extraordinaires, à la charge qu’ils paieront le taillon et solde du vice-bailli de Chartres. —Archives de l’Empire, E. 14.