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DOURDAN SOUS HENRI IV.

scène curieuse que raconte à ce sujet P. de l’Estoile dans son vivant journal : « Le mardi 21 mai, le conseiller Maschaut, nouveau capitaine du quartier Saint-Eustace, à Paris, donna deux soufflets en plaine procession à la femme d’un esguilletier, demourante près la Croix du Tirouer, et l’envoya prisonnière, comme hérétique et politique, pour ce qu’elle parloit contre les voleurs et les larrons, et se moquant des soldats du capitaine Jacques, qui revenoient de Dourdan, avoit dit qu’ils ne sçavoient faire autre chose que manger et piller le bonhôme, et rendre les villes à l’ennemi au lieu de les deffendre ; qu’elle eust voulu que tous les larrons qui leur ressembloient et qui estoient à Paris, qui la faisoient mourir de faim avec tant d’autre pauvre peuple, eussent esté pendus. — A la charge que le Béarnois y dust entrer dès demain, disoit-elle, je fournirois de bon cœur les cordes qu’il faudroit pour les estrangler. — Parole de femme, à la vérité indiscrète, mais de laquelle le ventre, qui n’a point d’aureilles (comme l’on dit), crioit, et laquelle estoit assez commune à Paris en la bouche de beaucoup de pauvres femmes de sa qualité. Aussi fust-elle relaschée dès le jour mesme, à la charge qu’elle seroit plus sage une autre fois et ne parleroit plus de pendre les Larrons devant Maschaut, attendu l’intérêt qu’on voyoit qu’il y prétendoit[1]. »

Henri IV, comme les Parisiens, comprenait toute l’importance de la prise de Dourdan, et le 11 juin il écrivait au duc de Saxe, prince et électeur de l’empire : « Pendant que je faisois le dict voyage à Château-Thierry, j’avois laissé mon armée soubs la conduicte de mon cousin le mareschal de Biron, qui l’employa à l’expurgation des chasteaux de Auneau et Dourdan, entre Chartres et Paris, ce dernier très-fort, par le moyen desquels ladicte ville souloit tirer de grands rafraischissemens de vivres, et depuis la prinse d’iceulx elle demeure du tout privée des commoditez de la Beaulce, qui luy fournissoit une partie de sa nourriture[2]. »

Si nous rentrons maintenant dans Dourdan, nous y verrons tous les ravages et tous les troubles que la guerre apporte avec elle : les habitants dispersés, le château déshonoré, l’église encore une fois pillée et endommagée. Le château, devenu, hélas ! inutile, fut fermé, et on ne s’occupa guère d’effacer la trace des blessures qu’il avait reçues. Six ans plus tard, nous le retrouverons dans l’état lamentable où l’avait mis le siége, et nous aurons à décrire alors tous ses désastres. Quant à l’église, il est probable que Dourdan fit, dès la même année 1591, de grands efforts pour réparer les dégâts du capitaine Jacques, exagérés, selon nous, par de Lescornay, car nous lisons cette inscription intéressante et fort

  1. Journal de P. de l’Étoile. — Collect. Michaut, 2e série, t. I, p. 51.
  2. Lettres missives de Henri IV, t. III, p. 394.