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DOURDAN SOUS HENRI IV.

notre voisin, poussait fort le maréchal de Villeroy à négocier un traité entre le duc de Mayenne et Henri IV. Le prudent chancelier de Cheverny, messieurs de Videville et de Fleury consentaient à un pourparler. De Villeroy se mit en route. « Je m’acheminay, dit-il, à Estampes au commencement de mai, nous passâmes jusques à Dourdan que ledit sieur mareschal tenoit assiégé. Mon voyage fut du tout inutile, car les sieurs de Cheverny et de Biron n’avoient aucune charge ny envie d’accorder ledit commerce. Partant, chacun se tint sur les paroles générales, avec plus de défiances les uns des autres qu’il n’y en avoit, ce me semble, de subject. Au moyen de quoy, après nous estre assemblez deux jours durant, nous nous séparasmes, remettant à consulter de toutes choses avec ceux qui nous avoient envoyez[1]. »

Les négociations n’avançaient pas plus à Dourdan que le siége. L’escalade, tentée plusieurs fois, avait échoué. Les tours battues par l’artillerie avaient perdu leurs toitures, leurs planchers et leurs voûtes supérieures, mais leur puissante maçonnerie eût résisté longtemps encore aux boulets. Ce qui perdit la place, ce fut le sol sur lequel elle est bâtie, et un moyen de destruction qui n’était pas prévu par ses antiques constructeurs, la mine par la poudre. Dans la butte sablonneuse qui forme le soubassement de la citadelle, l’effet fut décisif, et deux tours, ébranlées par ce moyen, rendirent impossible une plus longue défense de l’enceinte. Restait le donjon, isolé au milieu de ses fossés. Comme une bête fauve traquée dans son repaire, le capitaine Jacques s’y enferma. Il eût encore vendu chèrement sa vie, mais une trahison le força à se rendre. On raconte qu’un maçon qui avait travaillé à la casemate qui conduit du donjon dans le milieu de la place d’armes, et, comme une sorte de grand siphon renversé, met en communication l’un avec l’autre en passant sous le fossé, indiqua cette route au maréchal de Biron, et amena ainsi la fin de la lutte. Le capitaine Jacques était forcé de capituler ; mais cette capitulation, il la reçut, dit l’histoire, « aussi advantageuse et honorable que la gentillesse de son courage l’avoit méritée. » Les officiers de l’armée du roi se connaissaient en vaillance ; ils eurent la générosité de ne point humilier de braves Français vaincus, et les articles accordés par le maréchal de Biron au capitaine Jacques en apprendront plus à nos lecteurs que tout ce que nous pourrions en dire. Nous les citons textuellement d’après de Lescornay, qui, dans son incomplète et laconique narration, les a au moins conservés.

Articles accordez par Monseigneur de Biron, mareschal de France, au capitaine Jacques, commandant au chasteau de Dourdan.

« Le capitaine Jacques sortira comme il demande, avec tous ses compagnons, tant de cheval que de pied, avec leurs chevaux, armes et bagage, avec leur Cornette, Dra-

  1. Mémoires d’État de Villeroy, p. 173