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DOURDAN SOUS HENRI IV.

dans la ville vaincue ; nouvelle bientôt suivie de cet autre message significatif et terrible : la marche des troupes du roi sur Auneau.

Comme dans nos grandes plaines de Beauce, on voit les laboureurs suivre du regard et prévoir presque à heure fixe l’orage qui monte à l’horizon et vient sur eux de clocher en clocher ; ainsi Dourdan voyait arriver son tour et pouvait, d’étape en étape, calculer l’heure fatale de la lutte. Le calcul était effrayant parce que le résultat était trop sûr ; disons tout de suite qu’il ne découragea pas Dourdan.

Le mois d’avril finissait : le capitaine Jacques était rentré dans Dourdan avec toutes ses troupes et sa fière attitude avait décidé la garnison à soutenir un siége à outrance contre l’armée du roi. La ville ne pouvait tenir longtemps, les forces furent concentrées dans le château. On y prépara tout, à la hâte, pour la défense ; les provisions furent entassées dans les magasins et les munitions dans les casemates, le donjon et les tours garnis d’artillerie. Le sol de la place, devant le château, exhaussé autrefois par un grand apport de terre pour servir de jardin, dominait et commandait le rez-de-chaussée de la forteresse. On fit des prodiges de terrassement ; la terre servit pour les gabions et les travaux de défense, et l’ancien solage de la place fut retrouvé. Une chose préoccupait le capitaine Jacques, c’était la proximité de l’église qui touche presque au château et dont les clochers, dominant les fossés, les murailles et l’enceinte, pouvaient, entre les mains des assiégeants, devenir un ouvrage avancé contre les assiégés. L’enragé ligueur n’hésita pas ; il fit rompre une partie des voûtes de la nef, frotter de poix et de résine toute la charpenterie du vaisseau et des clochers et entasser dans les combles de la paille et autres matières inflammables, pour y mettre le feu quand l’ennemi approcherait. Cela fait, il attendit. Il y a tout lieu de penser qu’un grand nombre d’habitants, impropres au service de la place, durent se retirer alors de la ville et abandonner leurs maisons.

Henri IV avait quitté Chartres le 22 avril pour se porter sur Château-Thierry assiégé par le duc de Mayenne ; mais il avait laissé son armée au maréchal de Biron pour reprendre Auneau et Dourdan qui s’élevaient comme deux obstacles entre Chartres et Paris[1]. À cette prise on attachait une grande importance, car ces deux forts étaient les deux clefs de la Beauce où Paris se ravitaillait, et de toutes parts on répétait « qu’il ne falloit plus qu’oster la pierre au laict à ceulx de Paris pour les ranger à leur devoir par force, s’ils n’y vouloient entendre d’amitié[2]. »

L’ennemi sortait d’Auneau que Chollard venait de rendre sans combat au nom de son maître, Ange de Joyeuse. Il déboucha dans la vallée

  1. Lettre de Henri IV au duc de Nivernais, 29 avril 1591. — Documents inédits de l’histoire de France. Lettres missives de Henri IV, t. III.
  2. Mémoires d’État de Villeroy. — Collect. Michaut, 1re série, XIe vol., p. 151.
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