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CHAPITRE X.

un bon mot aux dépens des Dourdanais. En récompense de leur fidélité et de leur respectueuse démarche, ils s’attendaient à quelque grâce royale. « Combien compte-t-on de Dourdan à Étampes ? aurait demandé Henri. — Quatre lieues, sire. — Eh bien, désormais vous n’en compterez plus que trois. »

Henri III, assassiné quelques mois après, pendant le siége de sa capitale, laissait au roi de Navarre, proclamé Henri IV par l’armée, des droits incontestables, mais loin d’être incontestés. La question de religion surgissait plus grave que jamais. L’hérésie du prétendant entravait tout ; pour les uns c’était un prétexte de parti, pour beaucoup c’était une répulsion native et un scrupule de vieille foi catholique et française. Henri, avant de se décider à abjurer, dut entreprendre pied à pied la conquête du royaume que la naissance lui donnait. On vit alors de fidèles serviteurs du trône, partagés entre leurs convictions royalistes et religieuses, s’éloigner, quoique à regret, de l’héritier légitime, et l’on vit aussi des villes, attachées aux croyances de leurs ancêtres, fermées depuis un siècle à toutes les tentatives de la réforme et inquiètes d’obéir à un prince calviniste, préférer les hasards d’une dangereuse résistance et compromettre tout un passé de fidélité monarchique. De ce nombre fut Dourdan, de ce nombre aussi fut son gouverneur.

« Il y en eut quelques-uns, dit Péréfixe, le sage narrateur des faits et gestes du grand Henri, qui refusèrent absolument de signer la déclaration (de 1589), entre autres le duc d’Épernon et Louis de l’Hôpital Vitry. Ce dernier, inquiété, se disait-il, du scrupule de conscience, se jeta dans Paris et se donna quelque temps à la Ligue ; mais auparavant il abandonna le gouvernement de Dourdan, que le défunt roi lui avait donné. » Tirant de cette conduite le motif d’une réflexion générale, Péréfixe ajoute : « Telle étoit alors la maxime des vrais gens d’honneur dans les guerres civiles, qu’en quittant un parti, quel qu’il fût, ils quittaient aussi les places qu’ils en tenaient et les remettaient à ceux qui les leur avaient confiées[1]. »

Si cette conduite est digne de remarque chez quelqu’un, c’est à coup sûr chez l’homme qui devait mettre au service de Henri IV son dévouement célèbre et devenir l’ami de son maître.

Sur ces entrefaites, la Ligue plaça comme gouverneur dans Dourdan le fameux capitaine Jacques Dargiens, Ferrarais d’origine, l’un des plus acharnés ligueurs et des plus audacieux soldats du temps. Siége d’une

  1. Les seigneurs de la contrée étaient généralement dévoués au parti catholique. L’un d’eux, pourtant, le seigneur de Sermaise, Louis de Hémery, nous apparaît comme protestant ; mais pour satisfaire à la volonté du roi Henri III et à la déclaration faite pour l’exécution de l’édit du mois de juillet 1585, touchant la réunion de tous les sujets à l’Église catholique, apostolique et romaine, il abjura le 16 juin 1587, et nous avons vu, à ce propos, l’attestation de Louis Hurault, bailli et gouverneur de Dourdan, et le certificat du curé et du vicaire de Sermaise.