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CHAP. V. — J. DE CATURCE ET J. DE BOYSSONNE.

même sort et, comme nous venons de le voir, l’évêque Rieux lui-même, qui avait toujours défendu la cause des lettres, n’avait pas échappé aux soupçons. Les accusations devinrent très nombreuses. Tout manque de respect aux coutumes établies, toute préférence, donnée aux études littéraires ou à la science nouvelle était un motif d’accusation suffisant ; et la condamnation de l’hérétique supposé était certaine, si l’on pouvait prouver qu’il ne s’était pas découvert devant une image sainte, qu’il n’avait pas mis genou en terre lorsque les cloches invitaient les fidèles à dire un Ave Maria, ou qu’il avait mangé de la viande un jour d’abstinence[1].

Mais malgré tout cela, l’hérésie luthérienne, comme on l’appelait, commençait à se propager non seulement parmi les habitants de la ville et parmi les pauvres descendants des Albigeois, mais même parmi les étudiants et les professeurs de l’université. Dolet arriva peu après les trois moines augustins disciples de Luther qui en 1531 prêchèrent ouvertement à Toulouse les doctrines réformées. L’inquisition et le parlement firent des recherches vigilantes, et dans les trois premiers mois de l’année 1532 un nombre considérable de gens supposés luthériens furent arrêtés.

Jean de Caturce, de Limoux, était licencié en droit de l’université de Toulouse[2], où il paraît avoir, alors ou auparavant, fait des cours de droit qui eurent un grand succès et qui lui valurent une réputation considérable ; il avait pendant quelque temps étudié les Saintes Écritures. Il avait découvert vérités qui avaient été tout à fait mises de côté ou qui se trouvaient contraires à l’état présent des choses et, ayant réussi à se procurer un repos et un bien-être qui lui avaient été inconnus jusqu’alors, il désirait prêcher l’évangile aux autres, afin qu’ils pussent partager sa joie. À la Toussaint, en

  1. Th. de Bèze : Hist. Eccl., liv. I.
  2. Hist. des Martyrs, Grand Martyrologe, Genève, 1668, fol. 996. L’auteur dit que dit que Caturce était licencié en Loix faisant profession du droit en l’Université de Toulouse.