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ÉTIENNE DOLET

et l’orthodoxie, qui régnait dans cette ville, autrefois la capitale et le centre de l’hérésie albigeoise, mais la seule cité de France, où, plus tard l’inquisition avait pris racine, était non seulement une source de satisfaction pour les adversaires de la science nouvelle, mais une preuve permanente des services que le Saint-Office avait rendus à la cause religieuse, services qui se seraient étendus, on le disait ouvertement, à toute la France, si les pouvoirs de l’inquisition avaient pu s’exercer également partout. Cependant, bien que l’étude des canons et des décrétales fût plus en honneur à Toulouse que la science nouvelle, bien que là, plus que partout ailleurs en Europe, l’esprit du moyen âge fût vivant encore, les professeurs et les étudiants n’en étaient pas moins soupçonnés d’hérésie. Même à l’université de Toulouse, l’ivraie était mêlée au bon grain. Des savants étaient venus d’Italie et s’étaient efforcés d’introduire quelque culture et de montrer que les études littéraires n’étaient pas nécessairement hostiles au droit et à la théologie. Du Nord étaient arrivées les nouvelles de l’hérésie de Luther, et les doctrines des réformateurs avaient été bien accueillies dans plus d’un endroit où le vieux levain de l’hérésie albigeoise n’avait pas encore complètement disparu. Les professeurs les plus éminents étaient suspects ; et parmi les amis et les contemporains de Dolet qui se trouvaient à Toulouse, quelques-uns firent plus tard partie de l’église réformée et presque tous les autres passèrent pour donner une sorte d’adhésion aux nouvelles doctrines. Peu après l’arrivée de Dolet à Toulouse, Pierre Bunel, qui devint un des premiers latinistes de son temps, alors, jeune homme plein de promesses, avait été expulsé de la ville et de l’université sous l’accusation d’hérésie. Un savant italien nommé Othon[1] avait eu le

  1. Othon est probablement cet Othon Bosio que Dolet nomme dans ses commentaires et dans son second discours. On peut croire que son expulsion se fit en même temps que celle de Bunel. Nous ne savons pas exactement la date de cet événement, mais il n’eut pas lieu avant la fin de 1530 ; car, en novembre de cette même année, nous trouvons Bunel à Venise et on peut supposer, d’après ses lettres, qu’il était depuis quelque temps en Italie.