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CHAP. IV. — TOULOUSE

La populace était digne de ses pasteurs spirituels. À Toulouse où, un peu plus tard, une grande fête religieuse glorifiait quatre mille assassinats, à Toulouse où, dans la partie la plus sanctifiée de la cathédrale, celle où le corps du Christ est offert aux vivants et aux morts, et où l’on peut voir encore une statue de bois représentant un porc prêchant, accompagnée de l’inscription que voici : « Calvin, porc prêchant », les gens du vulgaire s’adonnaient à des pratiques ridicules et abjectes. Si l’on désirait la pluie, les statues des saints étaient déplacées et promenées en procession dans la ville. Si on était menacé d’une inondation, on adressait une prière an fleuve et on plaçait une croix sous les flots.

On pourrait supposer que l’université était une oasis dans ce désert de la superstition et de la bigoterie et qu’une certaine liberté et une certaine vie intellectuelles s’y montraient[1]. Mais on se tromperait. L’université de Toulouse fut la dernière à profiter des lumières de la Renaissance.

Fondée en 1229, en même temps, par les mêmes personnes, dans les mêmes intentions que l’inquisition, elle garda longtemps son caractère premier. L’église désirait que là où on enseignait les doctrines qu’elle désapprouvait si énergiquement et qu’elle avait poursuivies avec tant d’ardeur et tant de succès, on n’enseignât pas désormais d’autres doctrines que les siennes et qu’on ne tolérât pas d’autres études que celles de la théologie orthodoxe. Une des conditions imposées au malheureux Raymond VII fut donc d’établir et de soutenir une université où le droit canon et la théologie seraient les études principales[2].

  1. Je ne suis pas sûr que l’expérience garantisse cette supposition. Oxford n’a pas toujours été l’avant-garde du progrès intellectuel, religieux ou politique. L’Université de Paris, en dépit de ses services éclatants, était maintenue au niveau de la Sorbonne ; et les universités allemandes, qu’il est de mode depuis vingt-cinq ans de porter aux nues, furent presque toujours, à peu d’exceptions près, les instruments serviles de leurs maîtres princiers, et n’ont pu donner libre cours à ces spéculations, qui tendent à la liberté de penser et à la liberté d’action, que dans les cas très rares où les souverains les encourageaient.
  2. Sismondi : Hist. des Français. VII, 86.