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CHAP. IV. — TOULOUSE

manquèrent pas à Toulouse dans le dix-septième siècle et même dans le dix-huitième, cette époque d’indifférence et de grande liberté philosophique. En 1619, l’audacieux et ingénieux Vanini, mais non pas toujours intelligible, fut brûlé vif sur la place Saint-Étienne. Huit années auparavant, les inquisiteurs de Toulouse s’acquittèrent si bien de leur pieux office qu’ils égalèrent — et peut-être surpassèrent — leurs confrères espagnols. Si le frère Pierre Girardie n’a pas la célébrité de Torquemada, et s’il ne peut rivaliser avec ce grand homme pour le nombre et pour le rang de ceux qu’il livra au bras séculier, il n’en a pas moins un titre de gloire que l’inquisiteur espagnol, à ma connaissance, toutefois, ne possède point. Ce fut lui qui, en 1611, jugea et condamna à mort pour sacrilège un jeune garçon de neuf ans. L’enfant fut brûlé vif[1]. Dans la dernière moitié du dix-huitième siècle, une telle atrocité aurait été impossible ; cependant même à cette époque Toulouse était la seule ville de France qui se fût rendue coupable d’exécutions d’hérétiques.

En février 1762, les derniers des martyrs de l’église protestante de France, François Rochette, le jeune pasteur du désert, et les trois frères Grenier, payèrent leur fidélité à leur foi en se laissant massacrer sur la place du Petit-Salins, et quelques semaines plus tard la majorité de la cour, composée des deux présidents et des onze conseillers du parlement qui formaient la chambre de la Tournelle, condamna Jean Calas, sans preuves, et seulement parce qu’il était protestant, et le fit écarteler parce qu’on le supposait coupable du meurtre de son fils. Enfin, ce fut à Toulouse qu’eut lieu l’affreux assassinat du général Ramel, massacré

  1. Histoire de Saint-Sernin, par Raymond Daydé, Toulouse 1661, p. 204. Tout incroyable qu’est ce fait, il nous est confirmé, comme M. de Lamothe-Lagon nous le dit (Hist. de l’Inquisition en France, Paris 1829, vol. III, p. 566), par les archives de l’Inquisition dont des copies ont été faites par le père Hyacinthe Sermet. copies que M. de L.-L. avait vues, et aussi par les registres criminels du parlement.