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CHAP. III. — VENISE

taire de Venise un coup dont elle ne devait jamais se relever, et la découverte du passage du cap de Bonne-Espérance pour aller aux Indes lui enlevait la position qu’elle avait si longtemps occupée, quand elle était le centre du commerce entre l’Orient et l’Occident. Mais tout cela n’était pas encore apparent : personne ne savait, et probablement personne ne soupçonnait que les jours glorieux étaient passés et que Venise était entrée dans cette période de décadence qui devait se continuer pendant trois siècles, et qui ne devait arrêtée que le jour où, après des vicissitudes, de querelles domestiques et de tyrannie étrangère, elle relevait la tête pour jouir d’une prospérité possible comme membre de l’Italie libre et confédérée.

En 1529, Venise était encore la reine de l’Adriatique. Outre la moitié de la grande plaine de Lombardie, elle possédait l’Istrie, la Dalmatie, Corfou, Céphalonie, Zante, Sainte-Maure. Cérigo, Chypre et la Crète, ainsi que plusieurs villes du Péloponèse et du nord du continent grec. Elle gardait encore plusieurs îles de la mer Egée ; les ducs de Naxos et d’autres princes insulaires chrétiens étaient ses tributaires et obéissaient à ses ordres.

La ville elle-même était, à une seule exception près, de beaucoup la plus riche et la plus magnifique du monde, sans exception aucune, la mieux disciplinée et la mieux gouvernée. Jusqu’en 1453, date de la prise de Constantinople par les Turcs, Byzance avait occupé la première place parmi les villes européennes. Cette nouvelle Rome du Bosphore était bien intérieure à la Rome d’Auguste et des Antonins, néanmoins c’était là seulement qu’on trouvait encore vivantes, ou peut être seulement galvanisées, tout en étant réelles, les splendeurs de l’art et de la civilisation de Rome. Les temples, les palais, les statues, les peintures dénotaient certainement une époque de décadence, mais tout ce qui se trouvait à Constantinople n’en était pas moins supérieur à ce que l’on avait vu dans l’Europe occidentale pendant la première partie