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ÉTIENNE DOLET

de la critique de Jules-César Scaliger, qui, versificateur sans goût et sans génie poétique, ne trouve pas de langage assez fort pour exprimer son mépris pour les poèmes de Dolet[1].

« Ô mihi quem probitas, quem vitæ-candor amicum
Fecerat. o, stabili fœdere juncte mihi
O, mihi quem dederat dulcis fortuna sodalem,
O, mihi crudeli morte perempte cornes :
Jamne sopor te aeternus habet, tenebræque profundæ
Tecum ut nunc frustra carmine mœstus agam ?
Quod nos cogit amor, surdo tibi forte canemus,
Sed nimii officii non pudet esse reum.
Chare vale, quem plus oculis dileximus unum,
Et jubet, ut mage te semper amemus, amor.
Tranquillæ tibi sint noctes, somnusque quietus,
Perpetuoque sile, perpetuoque vale.
Et si umbris quicquam est sensus, ne sperne rogantem,
Dilige, perpetuo cui quoque charus eris. »


« Ô toi qu’une vie toute de probité et de candeur ont fait mon ami,
Toi qui fus uni à moi par un lien indissoluble,
Toi que la fortune compatissante me donna pour frère,
Toi, mon compagnon, qui m’as été enlevé par la cruelle mort,
Es-tu plongé, dans un sommeil éternel, et dans une obscurité profonde,
Au point que je t’adresse en vain mes tristes chants ?
Cependant cédant à l’amour, je chanterai, même si tu ne dois pas m’entendre.
Que m’importe d’être accusé de t’aimer trop tendrement ?
Adieu, cher, toi que j’ai aimé plus que mes yeux,
Et que l’amour m’oblige d’aimer toujours plus,
Puissent tes nuits être tranquilles, et calme ton sommeil ;
Jouis d’un éternel silence, d’un éternel bonheur.
Et si, dans le monde des ombres on peut encore éprouver quelque sensation,
Ne rejette pas ma prière, mais aime celui pour qui tu seras toujours cher

[2]. »

  1. Les poésies brutes et informes dont il (J. C. Scaliger) a déshonoré le Parnasse. Un homme d’un très mauvais goût dans la poésie. » (Huet.)
  2. Orat. Duæ, lib. I. XXIX, p. 207.